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engagés, et aggrave le désastre. Telle est la marche et la catastrophe de ces mouvemens désordonnés que l’on appelle des crises commerciales. On voit que l’initiative de ces crises n’appartient point au crédit lui-même, et ne peut, à plus forte raison, être imputée aux institutions qui sont, comme les banques, les organes perfectionnés du crédit. Elles ont leur point de départ dans les accidens industriels et commerciaux qui donnent l’éveil à la spéculation, et l’on comprendrait à la rigueur qu’elles pussent avoir lieu sans l’intervention du crédit; mais ce qui est incontestable, c’est qu’elles éclateraient avec les mêmes caractères dans des organisations industrielles et commerciales où les banques avec leurs facilités d’escompte et leur circulation de billets seraient inconnues. Les banques n’ont donc pas le pouvoir absolu de prévenir ces crises; mais leur mécanisme leur fournit le moyen d’en arrêter le développement et d’en atténuer les conséquences.

Il est d’abord évident que, pendant la première période du phénomène, au moment où la spéculation s’exalte, l’action salutaire que l’on devrait demander au crédit serait d’agir non comme aiguillon, mais comme frein. Or cette action modératrice, il serait impossible de l’obtenir du crédit individuel accessible à tous les entraînemens qui caractérisent l’épidémie régnante; mais elle peut être exercée par les banques, à qui leur position confère en quelque sorte le gouvernement du crédit général. En effet, le premier symptôme avant-coureur de la crise est l’exportation du numéraire; le moment où cette exportation commence indique celui où l’équilibre commercial s’altère, où la hausse des prix cesse d’être naturelle, où la spéculation se fourvoie. C’est à ce moment que le frein modérateur doit se faire sentir au crédit. Avant l’établissement des banques, sous le régime du crédit individuel, il était bien difficile de découvrir le mal à l’apparition de ce premier symptôme, car le numéraire exporté était prélevé sur les diverses réserves particulières, et il était impossible de mesurer l’importance et la rapidité de ce mouvement d’exportation. Il n’en est point ainsi sous le régime des banques. Leurs réserves métalliques ayant remplacé les réserves particulières, c’est dans leurs caisses que l’on vient puiser la monnaie et les métaux précieux destinés à l’exportation. Non-seulement donc elles sont placées dans une situation exceptionnelle pour apprécier le premier symptôme de la crise, mais elles le ressentent immédiatement elles-mêmes par la diminution de leur réserve, et le danger dont cette diminution les menace directement les oblige à prendre la mesure qui peut seule conjurer la crise en modérant la spéculation. Cette mesure est l’élévation de l’intérêt. L’exportation des métaux précieux ayant pour cause une hausse anormale des prix, il faut ramener les prix à leur