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circulation des billets de banque. De même que la monnaie avait perfectionné l’échange en généralisant le troc, et de même que le crédit et l’effet de commerce, en utilisant l’influence nominale de la monnaie, en avaient économisé l’emploi, de même les billets, au lieu de supprimer les instrumens antérieurs de la circulation, ne font qu’en régulariser l’action par une meilleure économie. En remplaçant dans la circulation une certaine quantité d’effets de commerce particuliers, les banques rendent inutiles les accumulations particulières de monnaie, les thésaurisations que nécessitaient l’escompte et le paiement de ces effets. Ces accumulations devenant inutiles, une portion du numéraire qu’elles absorbaient se place comme capital dans des emplois productifs, une autre rentre dans la circulation active, ou vient former et alimenter la réserve métallique des banques. Les banques deviennent ainsi les grands entrepositaires de numéraire et de métaux précieux des pays qu’elles desservent. La circulation, à laquelle elles fournissent par l’émission de leurs billets un intermédiaire plus commode que la monnaie, leur rend en échange les excédans de numéraire dont elle n’a plus besoin, et comme elles se chargent par l’émission de leurs billets de compenser les dettes représentées par les effets qu’elles escomptent, elles se chargent aussi, au moyen de leur réserve métallique, de pourvoir aux mouvemens de caisse et aux transports d’espèces que nécessite le règlement de ces dettes. C’est par ce dernier service que les banques et leurs opérations rentrent accidentellement sous la dépendance de la monnaie. Il leur est en effet impossible de se soustraire aux influences naturelles qui déterminent le mouvement des métaux précieux parmi les nations commerçantes; et quoique la distribution de l’argent dans le monde et les fluctuations du crédit soient deux choses parfaitement distinctes, quoique le crédit puisse être rare, par conséquent cher là où les métaux sont abondans, et abondant, par conséquent à bon marché là où la circulation monétaire emploie très peu de métaux précieux, il arrive cependant presque toujours, chez des nations commerçantes avancées comme la France et l’Angleterre, que les deux phénomènes se produisent simultanément, qu’une crise de crédit y amène une crise monétaire, et qu’une crise monétaire y soit souvent accompagnée d’une crise de crédit.

Or, lorsqu’on veut apprécier la situation que ces crises font aux banques et les mesures qu’elles leur imposent, il ne faut jamais perdre de vue ces deux choses : la première, que le principe, l’intérêt et le devoir qui dominent les banques, c’est de conserver le pair de leurs billets avec la monnaie; la seconde, que ce ne sont point les banques qui créent le crédit, qu’elles ne font que rallier, régulariser et répartir le crédit existant tel qu’il résulte de la situation