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anonyme, sous le titre de compagnie de la Banque d’Angleterre. L’emprunt qui formait ainsi le capital de la nouvelle banque, capital dont elle se dessaisissait au profit du gouvernement à l’instant même de sa formation, fut souscrit avec un empressement extraordinaire ; il était réalisé dix jours après l’émission[1]. Depuis lors, les augmentations successives du capital de la Banque d’Angleterre n’ont été que des emprunts levés par le gouvernement sous cette forme indirecte, et cette banque a poursuivi sa longue et grandiose carrière en portant jusqu’aux environs de 14 millions sterling le chiffre de sa créance sur l’état, sans avoir employé jamais un shilling de cette somme à titre de capital de roulement dans ses affaires.

La première ressource des banques, leur capital, serait donc tout à fait insuffisante pour remplir l’objet de leur institution, la dispensation abondante et continue du crédit ; le raisonnement et l’expérience prouvent même qu’en certains cas cette ressource peut devenir superflue. Les banques sont dans la position des banquiers ordinaires : elles ne peuvent prêter qu’à la condition d’emprunter, donner d’une main que ce qu’elles reçoivent de l’autre ; leur rôle est d’attirer vers elles et de centraliser les demandes d’avance et les offres d’avance, et de compenser, les unes par les autres, celles qui ne se balancent pas directement dans le mouvement des relations industrielles et commerciales ; c’est donc dans le crédit qu’elles peuvent obtenir elles-mêmes que réside leur véritable ressource. Nous avons déjà vu quel est, sous le régime du crédit individuel, la ressource qui alimente l’industrie des banquiers ordinaires : c’est le concours des détenteurs de capital disponible qui viennent le leur confier en dépôts ; mais nous avons vu également que ces dépôts, pouvant toujours être retirés, ne forment qu’une ressource variable, incapable de satisfaire ce besoin d’uniformité et de continuité de crédit qui a rendu nécessaire la création des banques. On veut que les banques soient en mesure de prêter constamment ; le problème pour elles est donc de trouver une combinaison qui maintienne la somme de leurs emprunts au niveau de la somme des prêts qu’elles ont à faire. La solution de ce problème est dans l’émission et la circulation des billets de banque. Par l’émission de leurs billets, les banques empruntent en effet ce qu’elles prêtent, à qui ? à ceux mêmes à qui elles le prêtent, et la circulation de ces billets nivelle constamment la somme des crédits particuliers qu’elles accordent aux proportions du crédit général dont elles jouissent.

Qu’est-ce donc que le billet de banque, et comment les banques y trouvent-elles l’élasticité de crédit qu’on leur demande ?

  1. The History of England from the accession of James the second, vol. IV, p. 498.