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le signe matériel du crédit qu’il accordait à celui qui achetait sa marchandise. En transférant, moyennant escompte, ce titre de crédit à un détenteur de numéraire, il put réaliser son capital immédiatement après la vente du produit et le réemployer sans interruption dans son industrie. A vend à crédit son produit à B. B, en souscrivant un billet à ordre, si les deux contractans sont domiciliés dans la même ville, ou en acceptant une lettre de change tirée sur lui par A, si le vendeur et l’acheteur sont établis dans deux places de commerce différentes, s’engage à payer le prix de la marchandise achetée par lui à une époque déterminée, celle à laquelle il présume qu’il aura lui-même écoulé cette marchandise dans la consommation et qu’il en aura réalisé la valeur. Muni de ce billet à ordre ou de cette lettre de change, A peut la vendre à C, c’est-à-dire obtenir immédiatement une avance équivalente à celle qu’il a faite à C, et en appliquer la valeur à la continuation de sa production. Tant que A trouvera B disposé à lui acheter ses produits et C disposé à lui escompter les effets de commerce souscrits par B, A ne cessera de produire avec l’énergie que comporte l’activité continue de son capital. Voilà sous sa forme la plus simple le mécanisme du crédit commercial. L’évolution du capital qui circule de la production à la consommation se répète autant de fois que l’opération de crédit se renouvelle. Le crédit communique ainsi au capital une activité qui n’a de limites que les forces de la production d’un côté et les facultés de la consommation de l’autre.

Entre ces limites, le développement continu de la production et du travail dépend de la continuité du crédit. L’échange de l’effet de commerce contre du numéraire au moyen de l’escompte n’est point sans doute l’unique forme du crédit commercial : une portion considérable des avances que se font mutuellement les industriels et les négocians peuvent se compenser par des viremens de compte, sans qu’il soit nécessaire de recourir au numéraire et à l’effet de commerce; mais un grand nombre d’avances, ne pouvant pas se compenser directement, exigent l’émission d’effets de commerce, et prennent par conséquent la forme de l’escompte. La continuité du crédit commercial sous toutes ses formes repose donc en définitive sur la possibilité et la facilité constante de l’opération de l’escompte, c’est-à-dire d’une transaction entre le producteur d’une part qui, après avoir vendu son produit à crédit, se trouve nanti d’un effet de commerce en échange duquel il cherche à obtenir une avance équivalente à celle qu’il a faite, et d’autre part le détenteur de capital disponible à qui il peut convenir d’escompter l’effet de commerce et d’en attendre l’échéance. Mais l’effet de commerce a contre lui deux désavantages : d’abord l’échéance en est éloignée, ensuite le jour où