bulens et de gentilshommes d’ancien régime. Chose curieuse dans une démocratie, les hommes du sud ont la plupart des vices des castes sans en avoir les qualités. Rien ne parle plus haut que ce fait contre l’esclavage, rien ne prouve mieux qu’il n’a aucune saine influence, puisqu’en développant les vices que développe toute institution intolérante et exclusive, il ne développe pas même les qualités que de telles institutions engendrent toujours. Le jeu et l’ivrognerie, ces deux grandes passions américaines, ne sont nulle part plus fortes que dans le sud, et ne produisent nulle part des résultats plus désastreux. L’agriculture même y décline sous l’action d’un travail qui épuise la terre ou d’habitudes qui n’attachent pas l’homme au sol qu’il a cultivé. Le planteur n’est pas sédentaire et n’a pas de demeure fixe ; il fait rendre au sol tout ce qu’il peut rendre, et puis va plus loin lorsqu’il a stérilisé cette terre fertile, qu’il a ouverte cependant le premier depuis que le monde a été créé. Voilà le sud et les résultats que l’esclavage a engendrés dans quelques-uns des états naguère les plus civilisés de l’Union !
Comme civilisation, moralité, prospérité matérielle, saine interprétation des institutions républicaines, tout l’avantage reste donc au nord. Et cependant malgré tout le sud triomphe, et véritablement, si cette situation continue, on peut pressentir le jour où le nord sera entraîné dans l’orbite du sud et ne sera plus qu’un satellite. Le nord a trop cédé, et maintenant sa supériorité d’instruction, de lumières et de richesses ne lui sert de rien : c’est le plus ignorant, le plus violent, le moins riche et le moins actif qui l’emporte. Au point où en sont les choses, il est inutile de conjecturer ; elles réclament fatalement une prompte solution, et elles l’obtiendront. Dieu sait à quel prix, mais elles l’obtiendront. Seulement le scandale est allé si loin, et l’immoralité triomphe avec tant d’insolence, que nous nous bornerons, pour toute conclusion, à faire remarquer qu’il y a quelques années tout homme de bon sens aurait haussé les épaules à l’idée de la séparation, tandis qu’aujourd’hui, après toutes les expériences qui ont été faites, la raison la plus droite peut envisager cette hypothèse comme une solution possible, et même en certains cas désirable. Ce qui est hors de doute, c’est que si le sud gagne un pas de plus, le nord pourra se vanter tant qu’il voudra de l’industrie de ses enfans, de ses écoles, de son observation du sabbat, de ses mœurs sévères, de ses richesses : il n’aura plus aucune puissance politique. Encore quelques compromis, et c’est lui qui deviendra une minorité dans la confédération.