vices sont moins blessans, parce qu’ils sont dans la nature féminine, que les emprunts que certaines dames du sud n’ont point honte de faire aux passions masculines. M. Douglas rapporte un crime commis par une dame qui excite l’horreur et le dégoût qu’excitent d’ordinaire les vices empruntés, qui ne sont point naturels à celui qui s’y livre, par exemple la débauche chez un enfant et l’ivresse chez une femme. Cette page contient plus d’un enseignement. « Comme preuve du mépris et de Tinsouciance que l’on a de la vie humaine, surtout lorsque cette vie est celle d’un esclave, je citerai un fait notoire. La femme de M. Giles Hicks, qui demeurait à peu de distance de la plantation du colonel Lloyd, assassina de ses propres mains la cousine de ma femme, jeune fille de quinze à seize ans, après l’avoir mutilée de la manière la plus horrible. Dans le paroxysme de sa rage, cette atroce femme, non contente d’assassiner sa victime, mutila littéralement sa figure, et enfonça sa poitrine. Toute furieuse qu’elle fût, elle eut cependant la présence d’esprit de faire ensevelir l’esclave ; mais les détails du meurtre se répandirent, et sur ces rumeurs on fit exhumer les restes de la victime. Un jury d’enquête fut établi, et décida que la mort avait été produite par coups et sévices. On apprit aussi que le crime que la jeune fille avait payé de sa vie était le suivant : elle avait été chargée cette nuit-là et plusieurs des nuits précédentes de veiller sur l’enfant de mistress Hicks ; elle s’endormit profondément malgré elle. L’enfant cria et réveilla mistress Hicks, mais non l’esclave. Furieuse du silence de cette fille, mistress Hicks, après l’avoir appelée plusieurs fois, sauta hors de son lit, saisit un morceau de bois dans la cheminée, et, la voyant profondément endormie, lui enfonça le crâne et la poitrine, et la tua ainsi. Je ne dirai pas que cet horrible meurtre ne produisit aucune sensation, il en produisit une très grande ; mais, chose incroyable, les horreurs habituelles de l’esclavage avaient tellement émoussé le sens moral de cette société, qu’on ne songea point à punir la coupable. Un mandat d’amener fut lancé contre elle ; mais, pour une raison ou pour une autre, ce mandat d’amener ne fut jamais appliqué. Ainsi mistress Hicks échappa non-seulement au châtiment qu’elle méritait, mais même à l’ennui et à la mortification d’être citée devant une cour de justice. »
Cette scène, qui se passe dans le Maryland, l’état où le sort des noirs est relativement le plus doux, nous ramène au fait que nous avons indiqué précédemment : le mystère qui entoure l’esclavage. Les mauvais traitemens sont infligés dans l’ombre : ce n’est que lorsqu’ils deviennent des crimes que fatalement et par la force des choses la lumière se fait ; mais cette lumière elle-même ne brille pas longtemps. Les passions, les préjugés, les intérêts, l’éteignent aussitôt. Mistress Hicks, on l’a vu, ne fut pas poursuivie. Il en est de même de presque tous les crimes commis par la population blanche ; le propriétaire d’esclaves est son seul juge, compose à lui seul son jury, et inflige lui-même le châtiment qu’il croit mérité. Il faut que les