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un plus grand nombre. Alors, aux premiers jours de la restauration, l’industrie européenne était bien loin d’être ce qu’elle est devenue, et l’industrie américaine n’existait pas du tout. Voilà cependant que les manufactures du nord abolitioniste commencent à absorber une partie des matières premières que fournit le sol de l’Union. Cette industrie nationale, déjà considérable, n’est encore que dans son enfance ; mais à mesure que la population augmentera et que les villes se multiplieront, l’industrie grandira aussi, et alors il faudra, ou bien refuser une partie des demandes de l’Europe, ou bien produire une plus grande quantité de matières premières, et pour satisfaire à cette dernière condition, il n’y a qu’un moyen : des esclaves, et des esclaves encore !

Nous venons de citer un des phénomènes contemporains qui ont maintenu l’esclavage ; mais dans celui-là l’Europe a sa part de responsabilité aussi bien que l’Amérique. Prenons donc un phénomène qui ne soit pas universel et qui soit absolument américain. Il en est deux qui peuvent frapper tous les regards, — la politique d’expansion et la puissance croissante des états de l’ouest. Au profit de quelle partie de l’Union peut tourner la politique d’expansion, à laquelle, je le crains bien, il serait inutile de résister ? Ce n’est certainement pas au profit du nord. Le nord est limité et gêné dans ses désirs d’expansion, il n’a pas autour de lui de nouveaux territoires à conquérir, ou à découper en nouveaux états libres ; l’annexion du Canada est un fait indéfiniment ajourné par les satisfactions que l’Angleterre a données à sa colonie et par la prospérité matérielle de ses habitans. Pendant longtemps, le sud a craint d’être en minorité dans le congrès ; bientôt peut-être ce sera au nord d’avoir les mêmes craintes. Au sud au contraire, les possibilités d’annexion sont indéfinies. De toutes parts s’offrent des pays immenses, qui pourraient, une fois conquis, tripler et quadrupler le nombre des étoiles qui brillent sur le pavillon de l’Union ; le Mexique, l’Amérique centrale, Cuba, Haïti. Dans quelques-uns de ces pays, l’esclavage est tout établi ; dans les autres, les mœurs du midi, la corruption morale de populations abâtardies, la fertilité du sol et la nature du climat favorables au travail particulier des plantations offrent aux propriétaires d’esclaves toutes les facilités désirables pour s’y établir avec profit et sans soulever de bien vives récriminations. À mesure que l’Union s’étendra du côté du sud, — et ce n’est que de ce côté qu’elle peut s’étendre, — on peut être certain que le nombre des états à esclaves augmentera aussi. Faut-il s’étonner alors que ce soient les états du sud qui parlent le plus ardemment en faveur de cette politique, populaire d’ailleurs sur toute l’étendue de l’Union ? De même que le sud a mis habilement à profit pour ses intérêts particuliers les désirs d’union et