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qui est enveloppée d’un nouveau moule. On verse le métal fondu entre les deux moules ; la cire fond ou s’évapore, et le bronze la remplace.

Sequitur fugientem torridus humor.

Voyez sur cette opération les beaux vers du cardinal de Polignac dans l'Anti-Lucrèce. Le sable intérieur est ensuite concassé et retiré. Comme c’est la forme extérieure du métal qui en fait tout le mérite, on estime en général les bronzes légers : tels sont les bronzes antiques et les bronzes florentins de la renaissance ; mais il n’est rien de pareil à ce que peut donner en ce genre la galvanoplastie, et surtout celle de M. Lenoir. Il y a cependant des limites à tout, et ce sentiment artistique qu’on appelle le goût a tout autant de réalité que les formules de la géométrie. L’impératrice Joséphine, qui protégeait les arts du dessin à une époque où la guerre enlevait toute la population studieuse, avait eu l’idée de demander à plusieurs artistes des coupes et des urnes en bronze d’un modèle élégant : il en reste plusieurs dont la forme est gracieuse ; mais quelle fonte, bon Dieu ! Peu s’en faut que la pièce ne soit en bronze plein. On ne pouvait pas objecter ici la difficulté de faire un moule intérieur ; c’était plus facile que les bombes et les obus, que l’on fait par millions. Un antiquaire, possesseur d’une de ces urnes antiques (de forme), me faisait part de la persuasion où il était que c’était l’urne même dans laquelle Achille avait recueilli les cendres et les os de Patrocle. D’après le peu de creux que le fondeur avait laissé à ce bronze, on n’y aurait pas recueilli les cendres et les os d’un coq ou d’une oie. Il va sans dire que j’assurai l’heureux antiquaire que je ne voyais pas comment on pourrait nier son assertion. En fait d’antiquités, on me montrerait le rasoir de Tullus Hostilius, avec lequel le sacrificateur coupa la pierre qui servait à l’aiguiser, que je le reconnaîtrais pour parfaitement authentique.

Après avoir admiré les résultats de la galvanoplastie, il est une première question que chacun se pose ; on veut savoir comment ce dépôt solide est produit. Tout effet a une cause, et plus l’effet est remarquable, plus on tient à connaître la cause qui lui a donné naissance. Or dans la physique rien n’est si obscur que ces actions qui s’exercent entre les particules extrêmes des corps, lesquelles sont d’une ténuité extrême, mais en si grand nombre qu’elles produisent par leur ensemble ce qu’elles ne pouvaient faire individuellement. Depuis Newton, nous savons que toutes les substances matérielles exercent l’une sur l’autre une attraction même à de grandes distances. Deux corps que l’on met en présence, s’ils sont placés sur des supports assez mobiles, se mettent en mouvement l’un vers l’autre. Deux corps polis et bien plans, étant mis en contact, adhèrent fortement. Les ouvriers qui manient habilement la lime dressent deux lames de fer si exactement qu’elles arrivent au contact et se prennent fortement l’une à l’autre. Si on a deux balles de plomb et qu’avec un rasoir on enlève à chacune d’elles un petit morceau, puis qu’on rapproche les deux petites facettes rondes produites par le rasoir, on voit également qu’il naît une adhérence telle entre les deux balles que leur poids ne les détache pas l’une de l’autre ; souvent même cette adhérence résiste à des poids de plusieurs kilogrammes. IL n’est donc point étonnant que l’électricité, en apportant les particules métalliques et les déposant tout près l’une de l’autre, en construise un métal solide tel que nous