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obtenus. Je passe donc à des opérations d’un tout autre genre exécutées en grand dans l’établissement gigantesque de M. Oudry, ayant pour collaborateur M. Levret, officier distingué de notre savante marine française. Là on fait toutes les pièces d’ornementation, de bijouterie même, que j’ai signalées dans les travaux de M. Coblence : la gravure en taille-douce, le clichage, la reproduction des médailles avec plusieurs enveloppes de divers métaux, comme l’avait déjà fait M. Hulot ; mais c’est dans l’industrie des grandes pièces, et surtout pour la marine, qu’il y a chez M. Oudry du nouveau et de l’étonnant. C’est le dernier type que je prendrai pour les progrès de l’art.

On peut dire que M. Oudry change tous les métaux, non pas en or comme les alchimistes, mais bien en cuivre. D’immenses tuyaux de conduite, des rouleaux pour l’impression des étoffes, sont revêtus en dedans et en dehors d’une épaisseur considérable de ce métal, bien moins altérable que le fer. Des chaînes de marine de grande force, des cornières en fonte, des clous de doublage, des candélabres immenses, de hautes grilles, deviennent inaltérables même à l’eau de mer. La marine française a déjà accueilli plusieurs des produits de M. Oudry, et notamment pour l’habitacle des phares. On cite les Anglais et les Américains pour la hardiesse de leurs entreprises industrielles ; l’usine d’Auteuil ne leur cédera en rien. Il s’agit de doubler un navire en fer en le mettant dans une cale à flot et l’entourant d’un bain galvanoplastique. C’est gigantesque, mais cela n’implique rien d’impossible, et le tout est dans le prix de revient, qui semble n’être pas évalué trop bas par M. Oudry. Mais les navires en bois, comment les envelopper de cuivre ? Le doute était ici permis, ou même commandé par la nature du doublage que l’on avait en vue. Il ne semble pas facile au premier abord de fixer sur le bois une épaisseur de cuivre suffisante pour sa préservation. Or l’expérience a prononcé pleinement en faveur des prétentions de M. Oudry. De grandes planches, de celles mêmes qui constituent le bordage des vaisseaux, ont été doublées d’une épaisseur de cuivre de la plus parfaite régularité et d’une adhérence complète à l’aide de petits clous de cuivre incrustés dans le bois, et dont la tête se noie dans le dépôt galvanoplastique. Ces planches ainsi doublées ont un aspect magique, et leur grandeur éloigne toute idée de crainte sur la réussite du doublage d’un bâtiment entier de grandeur quelconque. Après cela, il ne semble plus possible de fixer de limite à la puissance de la galvanoplastie. On pourrait la définir l’art de faire sans la fonte et sans le feu tout ce qu’autrefois on faisait par ces deux moyens. L’école de Pythagore s’amusait de cette énigme : On voit l’homme souder l’airain sur l’homme au moyen du feu ! Le mot de l’énigme était la pose des ventouses. Avec la galvanoplastie, il n’y a pas de doute qu’on réussirait à bronzer une partie considérable d’un corps vivant. Dans l’usine de M. Oudry, tout est revêtu de cuivre, même les rails des petits chemins de service intérieurs.

Pour comparer le procédé galvanoplastique avec la fonte ordinaire, il faut d’abord savoir qu’une statue, un buste ne sont pas coulés pleins ; il y a un vide au milieu. En réalité, une figure de bronze se coule entre deux moules. L’un, grossièrement ébauché, est intérieur et fait de sable, de terre, de charbon pilé, enfin d’une substance qui puisse s’extraire facilement après le coulage. Ce moule intérieur est recouvert d’une couche de cire que le sculpteur travaille ensuite avec tout l’art dont il est capable. C’est cette cire