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comme le charbon, et qu’il serait impossible de distinguer du charbon par l’aspect. Tels sont les produits de la précipitation chimique. Pour vous faire connaître le genre de ces poudres diverses de nature, quoique semblables d’apparence, le chimiste en prendra une petite quantité, et, la fondant au chalumeau, il produira un bouton d’or, de cuivre ou d’argent, suivant le bocal où il aura puisé la substance noire. Au commencement de ce siècle, on a été obligé de faire des travaux chimiques inouis pour faire passer le platine de l’état de précipité pulvérulent à l’état compacte et malléable. Comme le platine est presque infusible, on n’avait pas, ainsi que pour l’argent et le cuivre, la ressource du feu pour l’agglomérer et le réduire en masse brillante. Les expositions des deux ou trois premières décades de ce siècle font foi de ces difficultés péniblement surmontées.

C’est ici le cas de remarquer combien avaient beau jeu les prétendus adeptes du grand œuvre, les possesseurs de la pierre philosophale que Molière appelle

. . . . .Cette benoîte pierre
Qui peut seule enrichir tous les rois de la terre.

Pour faire croire que dans leurs fourneaux ils changeaient diverses substances en métaux précieux et qu’ils faisaient de l’or, il est évident qu’ils mettaient frauduleusement de l’or en précipité noir au lieu de charbon, et qu’ensuite ils ne retiraient que l’or qu’ils avaient introduit dans leur appareil. Sous la régence d’Anne d’Autriche, une mystification de ce genre pensa coûter la vie à l’alchimiste qui se l’était permise, et sans doute la catastrophe sera arrivée plus d’une fois entre la tyrannie avide et le charlatanisme impudent. En vérité on ose à peine plaindre de si peu intéressantes victimes. Quant à la galvanoplastie, au moyen de bains convenablement métallisés, elle a doré, argenté, cuivré, platiné en pellicule, en plaque, en masse compacte, à volonté. De même qu’on peut ne déposer qu’une mince couche métallique dans un moule creux, on peut le remplir complètement de métal sans y laisser aucun vide. C’est l’affaire du temps pendant lequel on laisse agir l’électricité de la pile.

La pile elle-même, cette admirable invention de Volta, que les ouvriers de Paris fabriquent par centaines et par milliers pour les télégraphes électriques, n’était au commencement du siècle que dans les cabinets de physique. Voici comment on la construisait. On plaçait sur une table un disque ou rondelle de cuivre sur laquelle on mettait une pièce semblable de zinc. La dimension de ces pièces ou rondelles était environ deux fois celle d’une pièce française de cinq francs. Au-dessus de la pièce de zinc, on posait une rondelle de drap mouillé d’eau salée, puis on posait dessus un second cuivre, sur celui-ci un second zinc, puis une seconde rondelle de drap humide. On continuait ainsi d’empiler les pièces de zinc sur les pièces de cuivre et les disques de drap mouillé sur les disques de zinc. Après trente ou quarante alternatives, la pile ainsi construite semblerait être le plus inoffensif et le plus innocent des appareils que l’on puisse imaginer. Cependant, si l’on met une main en contact avec la base de la pile et que de l’autre on touche le sommet, on ressent une violente commotion nerveuse qui agit incessamment tant qu’on touche le sommet et la base de la pile avec les deux mains. Avec la pile que Napoléon 1er avait donnée à l’École polytechnique, M. Gay-Lussac