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salutaire sur la société. La galvanoplaslie se recommande donc sous tous les points de vue à l’étude et à l’intérêt des esprits de toutes les classes.

Au moment où l’exposition universelle de 1855 fut annoncée au public, on s’imagina que des descriptions détaillées des procédés qui avaient fait éclore toutes les merveilles de l’industrie seraient indubitablement recherchées par les visiteurs et par ceux qui n’auraient pas l’avantage d’étudier en détail tout ce que contenait l’immense palais, ou plutôt les immenses palais encombrés par le travail du monde entier. Il n’en a rien été. Les descriptions techniques ont été mises en réserve pour être consultées au besoin ; elles n’ont point occupé les lecteurs, et ne sont point arrivées à prendre rang parmi les sujets de conversation des salons ou des sociétés de Paris et de la province. Elles ont eu tout à fait le même sort que les parties techniques de l’Encyclopédie. L’expérience indique donc que la science seule des faits n’a point d’attraits sans les déductions qui les rattachent à l’homme. « La fourmi, disait Bacon, amasse sans art ; l’abeille amasse et élabore les matériaux qu’elle a recueillis. » Une remarque de salon me fournit un exemple qui peint bien ma pensée. Tout le monde a lu l’Esprit des Lois, le chef-d’œuvre de Montesquieu ; et les lois elles-mêmes, qui a pris connaissance de leur immense ensemble, si ce n’est ceux qui en font une étude professionnelle ?

Je m’abstiendrai donc de faire le tableau de tout ce qu’a produit l’électricité plastique depuis les pages qu’ici même je lui ai consacrées, et je passerai eu revue les travaux de quelques ateliers de la capitale, sous le triple rapport de l’industrie, de la science et de l’art. Du reste, presque tous nos galvanoplastes ont réuni ces trois mérites dans leur fabrication.

Lorsque l’exposition universelle de France ouvrit au monde entier la concurrence de tous les mérites et la rivalité de toutes les fabriques, la puissante maison Elkington de Londres sembla, pour la galvanoplastie, devoir primer le monde entier. Un seul fabricant français, M. Christofle, pouvait soutenir l’honneur de la France, et, n’écoutant que son patriotisme, il s’abstint de rechercher l’avantage d’être membre du jury international, afin de balancer les suffrages, qui en effet le placèrent au même rang que son rival. Mais ce n’est pas tout que de voir les produits d’une immense industrie d’utilité et de luxe ; il faut pénétrer dans les ateliers où se préparent tous les objets que la consommation française réclame et tous ceux par lesquels la France rend les autres nations tributaires de son art et de son activité. J’ose dire que, sous ce point de vue, il n’est point d’homme d’état qui ne voie avec admiration ou même avec reconnaissance l’atelier ou plutôt les cent ateliers de M. Christofle. Là, douze ou quinze centaines d’ouvriers et d’ouvrières, depuis les simples manœuvres jusqu’aux artistes de premier ordre, modèlent, fondent, galvanoplastisent, argentent, dorent, polissent mille sortes d’objets en métaux ordinaires ou précieux, depuis le couvert modeste du pauvre, recouvert en argent, jusqu’aux bronzes argentés et dorés destinés aux plus opulentes maisons du pays. L’agent scientifique, l’électricité, relégué dans un cabinet isolé en plein air pour éviter les émanations nuisibles, envoie par de longs fils de métal son influence aux réservoirs pour le dépôt de l’or et de l’argent et à ceux où le métal se dépose en lames et eu figures dans des moules artistiques. Certaines pièces offrent du travail sans art, d’autres un art exquis ; le plus grand nombre, qui composent ce qu’on ap-