est forte et puissante ; son action est d’autant plus efficace, qu’elle est indépendante, désintéressée et toute morale. Dès qu’elle met le pied sur un autre terrain, elle se heurte à toutes les difficultés et à toutes ces résistances qui préparent souvent des réactions désastreuses.
Comment donc le saint-siège et l’empereur d’Autriche ont-ils été conduits à signer un acte où l’un n’a pu résister peut-être à la pensée d’obtenir plus qu’il ne pouvait espérer, et où l’autre semble s’être empressé d’accorder tout ce qu’on lui demandait ? C’est ici peut-être le côté le plus délicat de la question. Sans manquer aux sentimens religieux du jeune empereur François-Joseph, on peut bien présumer qu’il s’est proposé quelque but politique. Il a pu espérer que, par ses déférences envers le saint-siège, il se constituait le chef de l’Allemagne catholique, et il a eu probablement surtout en vue l’Italie. L’Autriche a pensé qu’en accordant tout, elle recevrait au moins quelque chose en retour, et que l’union du pape et de l’empereur pourrait affermir sa domination au-delà des Alpes. C’est un calcul plus ou moins juste qui n’empêchera pas l’Autriche d’être toujours l’Autriche en Italie, et le cabinet de Vienne parvînt-il même à attirer à lui le haut clergé, il n’est point certain qu’il eût le même succès auprès du clergé inférieur. On peut se souvenir d’un fait qui précéda de peu la révolution de 1848. Le maréchal Radetzky prescrivait à ses lieutenans de ne point laisser leurs soldats se confesser aux prêtres lombards. Quoi qu’il en soit, c’est à ce point de vue surtout que le concordat peut avoir d’étranges conséquences et créer au saint-siège la situation la plus difficile, soit que des conflits surviennent, soit que l’union du pape et de l’empereur se maintienne par des sacrifices mutuels. Le saint-siège poursuivra-t-il jusqu’au bout les avantages qui lui ont été concédés sans entrer dans les vues des maîtres de la Lombardie ? Alors l’Autriche peut prendre l’attitude d’un pouvoir libéral, modérateur. On a déjà commencé ; les autorités milanaises insinuaient récemment aux évêques lombards qu’on ne brûlait pas dans notre temps, mais qu’on persuadait. Cette querelle peut s’apaiser sans doute, comme aussi elle peut se réveiller à chaque instant. Si le saint-siège au contraire reste en intime accord avec l’Autriche, et lui prête même involontairement le secours de l’influence religieuse, alors c’est une question bien autrement sérieuse qui s’élève. Qu’on le remarque bien, le pape n’est pas seulement le chef de l’église universelle, il est aussi le souverain d’un état italien. Tout ce qu’il trouvera de force et d’appui auprès de la domination impériale, il risque de le perdre aux yeux des peuples de la péninsule et des autres états italiens, qui se sentiront menacés par cette alliance de l’empire et de la papauté. Le malheur de ces combinaisons et de ces calculs, c’est qu’après tout ils pourraient bien ne servir ni l’état, ni l’église, ni le pouvoir religieux, ni le pouvoir civil. Ils jettent de nouveaux fermens dans cette Italie, déjà si bouleversée ; ils créent des griefs que les révolutionnaires exploiteront en les exagérant : ils ouvrent une issue par où peut passer M. Mazzini. Voilà le danger à redouter, danger que n’a point aperçu certainement l’esprit généreux de Pie IX ; voilà ce qui peut faire concevoir quelques doutes au sujet du dernier concordat autrichien. Nous ne savons s’il produira le bien qu’on en attend pour la religion ; il peut du moins lui créer des périls, et il peut en créer aussi pour l’Italie. Ce ne serait pas le résultat le moins triste de cet acte, s’il devait être un obstacle de