Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/226

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


Séparateur


29 février 1856.

Le secret de la situation actuelle est tout entier dans les délibérations du congrès, qui vient enfin de se réunir, il y a quatre jours, à Paris. C’est dire qu’entre les émotions de la grande lutte qui a mis tout à coup l’Europe sous les armes et l’avenir rapproché qui peut faire renaître la paix entre les nations, il y a un moment de silencieuse incertitude et de curiosité attentive. Que va-t-il sortir de cette assemblée diplomatique ? quelle pensée dictera ses résolutions ? Nul n’oserait le dire, on le conçoit. Les ardeurs belliqueuses se taisent un instant avant de s’éteindre tout à fait ou de se raviver plus puissantes. L’heure des commentaires est passée ou n’est pas encore venue. Il n’est pas jusqu’aux bruits de dissidences entre les gouvernemens alliés qui ne se soient promptement évanouis devant les faits. Pendant quelques jours, un mystère calculé planera nécessairement sur les péripéties favorables ou inquiétantes de ces négociations. Toujours est-il que par elle-même, et en attendant qu’un dénoùment commence à se laisser entrevoir, la réunion de ce congrès offre plus d’une singularité remarquable. C’est d’abord une chose assez inusitée que la tenue d’un congrès dans la capitale de l’un des états belligérans. Jusqu’ici rien de semblable n’avait eu lieu : on choisissait d’habitude un pays neutre, souvent même une ville pou importante. Il n’en a point été ainsi cette fois. De cette anomalie et des diverses circonstances de la guerre découlent d’autres singularités encore qui ne laissent point d’être curieuses. Dans cette assemblée en effet, parmi les négociateurs admis au nom de six gouvernemens différens, figurent les plénipotentiaires d’un souverain qui n’a pu être reconnu par quatre des autres puissances représentées. L’Autriche seule a reconnu l’empereur Alexandre II, monté au trône depuis le commencement de la guerre. Les envoyés du tsar n’ont pas moins été accueillis comme ils devaient l’être, ils ont même été reçus par le chef de l’état. La fiction a fait place à la réalité. Cette courtoisie universelle, qui est un des signes de la civilisation contemporaine, de la civilisation fran-