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florentins du XIIIe et du XIVe siècle, c’est pour savoir à quelles sources a puisé l’auteur des Istorie florentine. Il les connaît, il les possède, il les range en bataille. Après le gibelin Dino Compagni, voici le groupe des guelfes, Jean Villani d’abord, puis son frère Matteo, qui le continue sans l’égaler, et le troisième Villani, Pliilippo, plus sérieux que Matteo, mais bien inférieur encore au chef de cette dynastie d’écrivains, et qui révèle déjà le déclin littéraire du XIVe siècle. Que de choses dans ces chroniqueurs, et même chez les plus humbles! Jean Villani est un Froissard plein de grâce; il a un charme de style, une abondance de couleurs, une variété d’informations, qui enchantent l’esprit. Un des traits qui le distinguent, c’est que l’histoire particulière de la cité semble ne plus lui suffire : il s’intéresse à tous les événemens de l’Europe occidentale, il peindra surtout les développemens du commerce; ces questions de finances, qui vont jouer désormais un si grand rôle dans l’histoire des états modernes, apparaissent ici pour la première fois avec l’importance qui leur appartient. Au contraire, Matteo, Philippo, et avec eux Donato Velluti, représenteront sans l’songer l’âge primitif de la diplomatie. Voici maintenant les chroniqueurs chez qui commence à se flétrir cette belle fleur de langage épanouie au XIIIe siècle : tels sont Buoninsegni, Gregorio Dati, Morelli, écrivains incorrects, narrateurs sans art et sans idées, mais dont le témoignage est encore précieux sur plus d’un point. M. Gervinus n’oublie personne, ni les maîtres, ni les disciples, ni les peintres, ni les compilateurs. Chacun d’eux est rangé à sa place, chacun est marqué d’un trait ferme et sûr. Ceux-là même qui n’ont pas encore reçu les honneurs de l’impression n’ont pas échappé à la sagacité de l’érudit. Toutes les bibliothèques de Florence lui ont livré leurs secrets.

Cette idée de soumettre les historiens d’un même sujet à une enquête intelligente et précise est une des meilleures inspirations de la critique de nos jours. Elle a produit en France et en Allemagne des œuvres qui méritent de rester. En France, ce sont les recherches de M. Victor Leclerc sur les chroniques du XIIIe siècle, dans le vingt et unième volume de l’Histoire littéraire de la France, et les éloquentes considérations, publiées ici même, que M. Augustin Thierry a placées en tête de ses Récits mérovingiens. L’Allemagne peut citer surtout le livre de M. Léopold Ranke sur les historiens du XVe et du XVIe siècle, et l’étude de M. Franz Palacky sur les historiens de la Bohême, depuis les fabuleux conteurs du XIIe siècle jusqu’aux investigateurs contemporains. Le Tableau de l’Historiographie florentine occupe une place d’honneur à côté de ces éminens travaux. La pensée-mère, vraie ou fausse, qui inspire à M. Gervinus cette tâche si religieusement accomplie, imprime à son livre un caractère à part. Soit qu’il parcoure les histoires latines du Pogge ou les