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s’agissait d’accomplir. Il fut résolu qu’on fonderait une société destinée à répandre des lumières dans le peuple, à encourager les bonnes mœurs et à procurer aux classes peu aisées des connaissances qui les missent en état d’accroître leur bien-être.

Cette pensée porta ses fruits. Fondée en 1784 dans une petite ville de la Nord-Hollande, Édam, où demeurait le fils du ministre Nieuwenhuijzen, la société eu peu de temps s’étendit dans tous les Pays-Bas, et bientôt il fut nécessaire de transporter le centre de l’administration à Amsterdam. C’est là que je visitai, il y a quelques mois, dans une maison voisine du musée, le siège d’une institution qui a rendu à la Hollande d’incontestables services. La société tot nut van’t Algemeen est devenue une puissance, mais une puissance toute morale ; car, placée en dehors de l’état et du monde officiel, elle s’appuie uniquement sur une idée, sur le dévouement de ses membres et sur la passion du bien.

À l’époque de sa fondation, la société était une : dispersés dans le pays, les membres se rejoignaient à certaines époques de l’année. L’accroissement des sociétaires fit naître la constitution qui existe aujourd’hui. Il fut convenu que dans chaque ville, dans chaque commune où se trouveraient seulement huit personnes désirant faire partie de la société, ces membres formeraient une section ou un département. Chacun de ces groupes avait et a encore le droit de se faire représenter dans l’assemblée générale, qui se tient une fois l’année à Amsterdam. La société se divise aujourd’hui en trois cents départemens, qui comprennent dans leurs cadres 14,700 membres. Il faut ajouter à ce chiffre 500 membres honoraires qui ne versent pas de contribution. La plupart des hommes qui s’intéressent directement aux travaux de la société appartiennent à la classe moyenne, à la petite bourgeoisie. Les classes supérieures contribuent cependant de leur bourse. Ces impôts volontaires sont tout à fait dans les mœurs de la Hollande. Il n’y a guère de fortune un peu considérable qui ne soit grevée par les sacrifices qu’elle s’impose à elle-même. Dieu nous garde de rien enlever au mérite de ces contributions : on doit néanmoins dire que l’intérêt, un intérêt louable et bien compris, n’a pas été étranger dans les Pays-Bas au développement de la charité mutuelle. L’immoralité est fille des ténèbres. On croit donc en Hollande qu’il est juste et avantageux pour chacun de concourir à la propagation des lumières dans la mesure où il est menacé par le fléau. Celui qui possède le plus se trouve dès-lors plus obligé qu’un autre de mettre sa considération et sa fortune à couvert contre les mauvais conseils de l’ignorance. L’esprit pratique des Hollandais n’a pas été déçu dans ses calculs : les comptes-rendus de la criminalité annuelle sont beaucoup moins chargés dans les Pays-Bas que