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et c’est d’eux que doit dépendre la sécrétion glycogénique. Dans une expérience mémorable, M. Bernard a vu que si l’on pique la moelle épinière un peu au-dessus du point d’où se détache le pneumo-gastrique, au-dessous des tubercules de Wenzel, avec un instrument tranchant, la sécrétion du sucre est activée dans des proportions considérables, l’organisme tout entier se gorge de matière sucrée, et l’animal est diabétique. C’est d’ordinaire sur des lapins que se fait cette expérience, et, si elle est bien conduite, il est rare que l’animal succombe ou même souffre beaucoup. Elle est pourtant difficile, et il faut toute l’habileté de M. Bernard pour l’avoir conçue, l’avoir tentée et avoir réussi. D’abord il n’est pas aisé de trouver le point précis; de plus, si l’on déchire trop la couche postérieure en la traversant, l’animal souffre et peut mourir de douleur; si l’on va trop loin, on arrive à la couche qui préside à la locomotion, et ses altérations causent des mouvemens désordonnés qui rendent l’observation impossible. Quoi qu’il en soit, l’expérience a été répétée souvent, et d’ordinaire, lorsqu’il sort des mains de M. Bernard, l’animal, bien qu’un peu étourdi, se tient sur ses pattes et ne tourne ni à droite ni à gauche, ce qui arriverait si la lésion n’avait pas porté exactement sur la ligne moyenne du plancher du quatrième ventricule. Ainsi l’excitation portée sur les nerfs du foie augmente la sécrétion du sucre, comme celle des nerfs du poumon active la respiration, ou comme celle des nerfs des glandes de la bouche agit sur la sécrétion de la salive. Si au lieu d’exciter les nerfs on les paralyse, l’effet inverse est produit. Ainsi la section des pneumo-gastriques arrête la sécrétion du sucre, ce qu’on peut vérifier facilement en tuant l’animal quelques jours après l’opération. Ni son sang ni son foie ne contiennent alors de glycose. Si même l’animal était diabétique, la section de ces nerfs le guérirait aussitôt, pour lui donner, il est vrai, une paralysie plus grave que sa maladie; mais enfin sa glycogénie morbide serait arrêtée comme la glycogénie naturelle. La sécrétion du sucre par le foie est donc bien réellement une fonction toute semblable à la respiration, la circulation ou la digestion, puisqu’elle dépend, comme celles-ci, du système nerveux[1].

Ce que M. Bernard avait démontré artificiellement, des observations faites sur des maladies naturelles vinrent bientôt le confirmer, et la pathologie, qui s’occupe des fonctions malades, est venue au secours de sa sœur la physiologie, qui ne comprend que les fonctions de la vie. Un praticien depuis longtemps connu, célèbre même

  1. L’action des nerfs sur le foie et ses sécrétions n’est peut-être pas aussi directe qu’on peut l’imaginer d’après ce résumé des expériences de M. Bernard. Il y a là une action réflexe; mais ceci touche à des considérations élevées de physiologie qui ne tiennent pas à notre sujet, et qui n’ont d’ailleurs pas d’influence sur la réalité de la démonstration.