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le lieu où se passent tant de phénomènes chimiques, où tant de substances se combinent et se décomposent et que traversent à tout moment de si grandes quantités de sang? Enfin les animaux, même encore embryonnaires, ont un foie sucré, et ce glycose ne peut évidemment provenir des alimens. Le poulet et le passereau dans leur coquille, le veau dans le ventre de sa mère ont été étudiés par M. Bernard, qui a vérifié le fait que sa théorie faisait prévoir, et ici le sucre des alimens n’est évidemment pour rien dans le phénomène. On ne peut supposer que ce glycose ait passé directement du foie de la mère dans celui de l’embryon, car le sang qui vient nourrir le fœtus de veau ne contient ni sucre ni matières féculentes. Bien plus, chez le veau, après cinq mois de la vie embryonnaire, on trouve du sucre; après deux mois, on n’en trouve pas. Il est donc bien clair que c’est là une fonction qui naît à une certaine époque de la vie fœtale, au moment où elle devient nécessaire à la vie, de même que les autres fonctions, qui toutes apparaissent successivement plus ou moins tôt suivant leur importance. Le même fait a été vérifié chez l’homme, le cochon d’Inde et le mouton.

Toutes les fonctions de la vie animale ou organique, la respiration, la circulation, la digestion, la pensée même, sont, comme on sait, sous la dépendance des nerfs, et par conséquent du cerveau d’où ils sortent. En coupant certains filets nerveux, on empêche les glandes de sécréter, les yeux de voir et les oreilles d’entendre. Pour démontrer qu’en découvrant la sécrétion du sucre par le foie il avait découvert une fonction réelle et inconnue, et non un accident de l’organisation, M. Bernard devait montrer qu’elle aussi dépend de certains nerfs, et que, ces nerfs étant coupés ou paralysés, la glycogénie est subitement arrêtée, comme la section des nerfs pneumo-gastriques empêche l’estomac de digérer, et celle du grand sympathique empêche le cœur de battre. L’irritation de ces mêmes nerfs devait au contraire activer la fonction, si elle était réellement inhérente à la vie. Cette vérification était importante et difficile, et tant qu’elle n’était pas faite, le doute devait subsister. On sait que la moelle épinière est un long cordon qui prend naissance à la partie inférieure du cerveau, et d’où sortent les nerfs qui vont animer toutes les parties du corps. On sait aussi qu’elle est divisée en trois couches longitudinales. La couche moyenne préside aux sécrétions, tandis que la couche antérieure est en rapport avec les phénomènes du mouvement, et que la sensibilité dépend de la couche postérieure. Les nerfs qui se rendent au foie sont, nous l’avons dit, des filets du nerf phrénique, du pneumo-gastrique et du grand sympathique. Ce sont sur les nerfs de la seconde espèce qu’il fallait opérer, car ils prennent naissance dans la couche moyenne,