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malades, ne souffraient pas spécialement des voies digestives. On vit en outre que le foie de l’embryon dans le corps de sa mère fonctionne, et pourtant il n’y a pas là d’alimens à digérer, ni de graisses à émulsionner. Enfin un physiologiste éminent, dont le nom reviendra souvent tout à l’heure, et qui a porté la lumière dans toutes les questions qu’il a traitées, M. Claude Bernard, a découvert que chez le lapin une disposition anatomique particulière permet d’examiner le chyle avant qu’il ait été soumis à l’action de la bile, et il a remarqué que tous les usages attribués au foie dans la digestion devaient être reportés sur une petite glande jusqu’alors à peine connue et nullement étudiée, le pancréas.

On en était donc arrivé, dans ces dernières années, à croire que la bile n’est qu’une sorte de caput mortuum destiné à être expulsé du corps sans remplir aucun usage. Le foie n’était plus pour les physiologistes modernes qu’une sorte de dépurateur du sang, comme le rein et le poumon. L’expérience avait vaincu les partisans des causes finales, qui ne s’expliquaient pas comment un organe aussi important, un liquide aussi compliqué, qui renferme des substances dont les élémens seuls se trouvent dans le sang, étaient presque inutiles à l’économie. Pourtant la chimie est assez pratiquement parfaite aujourd’hui pour que ce résultat soit certain, et pour que, s’il est permis d’affirmer quelque chose, on puisse dire que la bile n’est d’aucune utilité dans la digestion ni dans aucune autre fonction. Ce résultat dérange un peu les théories, et cela n’est pas rare de nos jours. Ainsi la bile ne sert de rien; mais en est-il de même du foie, et faut-il revenir à l’ancienne opinion, qui considérait l’organe en lui-même, et ne lui attribuait pas pour unique fonction la sécrétion de la bile? C’est ce que pense M. Bernard, tout en croyant peu sans doute aux causes finales et aux théories abstraites, et la fonction nouvelle qu’il a découverte est assurément bien imprévue. Suivant lui, le foie ne sert pas simplement à épurer le sang et à en retirer les parties malfaisantes, mais il est le siège d’une production constante de sucre, qu’il sait fabriquer aussi bien tout au moins que la canne ou la betterave. Non-seulement il enlève au sang ses principes amers, mais il sucre ce liquide d’une façon très sensible. Pour raconter comment on a pu être conduit à cette découverte, sur quelles expériences elle s’appuie, de quelles attaques elle peut être l’objet, il faut expliquer un peu la situation du foie, ses rapports avec les principales veines. Qu’on ne s’effraie pas trop, ma description sera aussi peu anatomique que possible. Je tâcherai d’être clair, et je serai certainement court.

Le foie est placé, comme on sait, à droite, dans une excavation profonde du diaphragme, au-dessous de la cinquième côte. Il a la forme d’un œuf, avec un prolongement en arrière qui porte le nom