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permettant d’analyser la bile, vinrent encore confirmer toutes les théories. On démontra que c’était là un liquide singulier et compliqué, dont la sécrétion devait être laborieuse, car il ne contient pas moins de vingt-trois substances diverses, dont quelques-unes lui sont propres et ne se rencontrent nulle part ailleurs.

Un organe si gros, si constant chez tous les êtres, un liquide si singulier et si abondant, tant de vaisseaux, tant de nerfs, tant de conduits, des maladies si fréquentes et si graves, tout se réunissait pour donner au foie et à la bile une grande importance. A quoi bon, disait-on, dépenser tant d’imagination et tant d’esprit, inventer des procédés si ingénieux, si ce n’est pour un but utile? Un grand effort de logique n’était pas très nécessaire pour deviner que le liquide arrivant sur les alimens au moment où ceux-ci passent de l’estomac dans l’intestin, c’est à la digestion qu’il devait servir. Aussi, après avoir beaucoup raisonné jusqu’au milieu du dernier siècle touchant l’influence de la bile sur la masse générale des humeurs, après avoir affirmé son action sur toutes les fonctions qui dépendent de l’irritabilité, sur le caractère, sur la chaleur du corps, sur le tempérament, sur l’imagination, on se mit à restreindre son usage et à la considérer comme un simple agent de la digestion.

Je ne veux pas décrire toutes les expériences faites pour déterminer l’action chimique de la bile et les innombrables observations des naturalistes, qui ont opéré tantôt directement sur les animaux, tantôt par les digestions artificielles dont l’inventeur est Spallanzani. Il suffit de dire que l’on crut longtemps la bile employée à continuer sur les alimens l’action des acides de l’estomac et à dissoudre ce qui était encore solide, puis à émulsionner les substances grasses (comme la soude émulsionne l’huile) pour former un savon capable de passer dans les chylifères, le suc gastrique étant sans action sur les substances de cette nature. Ce n’était pas là un usage fort important, et les substances grasses n’entrent pas en assez grande proportion dans les alimens pour nécessiter un organe de cette grosseur relative et un liquide aussi abondant. Cependant le foie fut bientôt dépossédé même de cet usage restreint. Avec notre siècle naquit l’expérience, et surtout l’expérience appliquée à la physiologie. On lia chez des chiens le canal cholédoque, qui conduit la bile à l’intestin; on fit écouler le liquide par un trou fait à la peau, et les chiens qui résistaient à cette grave opération digéraient comme à l’ordinaire. M. Blondlot, auquel on doit cette expérience, a même remarqué que les chiens de chasse sur lesquels il opérait ne remplissaient que mieux leurs fonctions. En même temps on observa et l’on découvrit des exemples d’hommes ou d’animaux ayant vécu sans foie ou avec un foie trop altéré pour sécréter de la bile. Tous pourtant, s’ils étaient