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des lacs réduit notablement le cube des terrassemens à exécuter ; elle suffirait pour légitimer la direction du nouveau canal et l’autoriser.

La traversée des deux branches du Nil est la seule difficulté sérieuse que nous avons à avouer ; pourtant il n’y a lieu de s’en effrayer que si l’on fait abstraction des conditions particulières du projet. Il ne s’agit pas pour nous de traverser le fleuve au sommet du Delta, soit à l’aide d’un barrage qui devrait en relever les eaux de 8 mètres au moins, et qui coûterait 20 millions, soit à la faveur d’un pont-canal qui en coûterait 38. Et cependant, excités par l’espoir de beaux résultats, des hommes d’une habileté rare et d’une grande renommée ne reculent ni devant les dépenses ni devant l’audace de cette traversée. Il ne s’agit pas davantage pour nous de couper le fleuve au centre du Delta, là où il suffirait d’en relever le niveau de 4 mètres environ. Personne n’a songé à aborder cette traversée, moins à cause des difficultés d’exécution qu’à cause d’inconvéniens notoires. Il s’agit de traverser le Nil près de son embouchure, à ce point de son cours où il suffit d’un relèvement de 2 mètres pour assurer l’existence d’un canal dont les avantages ne sont plus douteux. Devant un tel prix, quelque intrépidité serait permise, et, en regard des difficultés des deux autres traversées, celles de la nôtre s’amoindrissent au point de justifier une sécurité parfaite. Le barrage écluse de chacune des branches, en supposant une profondeur de 4 ou 5 mètres la où il sera établi, n’aura pas plus de 6m50 à 7m50 de hauteur, et cela n’a rien d’effrayant. D’ailleurs, ainsi qu’il a été dit, il sera encore possible d’amoindrir ces difficultés. C’est sur les extrémités des deux branches que nous opérons, et, sans nuire à quoi que ce soit, il nous est permis de faire de ces branches exténuées et difficilement praticables des canaux modestes en rapport avec leur cabotage. Il nous est aisé de faire ces canaux par procédé de dérivation ; il nous est possible de nous délivrer de tout embarras réel ou supposable, en reportant l’écoulement des eaux sur des points nouvellement choisis. Le canal passera sans avoir à forcer le passage, en réduisant des obstacles réductibles ici et nulle part ailleurs.

Quant à la coupure même, il ne s’agit que de terrassemens. Le cours du Nil sera régularisé sur 2 kilomètres de longueur environ, sa largeur fixée à 1,500 mètres, et son lit sera raccordé avec le plafond du canal, tant en amont qu’en aval, par une pente de 0m 003 à 0m 004. Ce travail se fera avec des dragues. Chaque branche arrivera donc au canal par une section d’au moins 9,000 mètres carrés, et la section totale de toutes les embouchures du fleuve atteindra sans peine le chiffre de 20,000 mètres carrés, d’où résultera en hautes eaux une vitesse maxima de 0m 40 par seconde. En conséquence, le canal ne sera pas beaucoup plus exposé en ce point qu’en