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longtemps que la suppression de ces lacs est l’objet d’une foule de plans ou de rêves ; mais rien n’était plus difficile sans une sorte de remaniement général des eaux et des terres du Delta, et rien ne sera plus facile pour nous, dès le début, que d’en assécher rapidement la plus grande partie, grâce aux opérations qui doivent précéder l’exécution du canal.

Avant toute chose, la rigole transversale sera établie, afin de recueillir les eaux des terrains supérieurs et de les envoyer directement à la mer par les branches principales et secondaires, qui seront immédiatement endiguées ; en même temps, les ouvertures donnant entrée à la mer seront fermées par l’élévation des berges extérieures du canal. Dès que ces opérations auront diminué l’étendue des lacs, et après que le tracé exact du canal aura été déterminé à travers les parties les plus profondes, on creusera le chenal avec des dragues ; on fortifiera les berges du côté de la Méditerranée, et, avec le produit du dragage, on créera la berge intérieure qui se trouvera avoir une assiette large et solide dans les chaînes d’îlots et de bas-fonds actuellement visibles ou ultérieurement émergés. Les premières couches de ce dragage seront de la vase de rebut ; les couches subséquentes, enlevées à plus de profondeur, ramèneront le sol même du Delta, qui sera très propre à la formation des berges. C’est la drague qui sera dans ces lacs l’instrument de création. Tous les ans on appliquera contre les berges les terres limoneuses qu’elle aura extraites du fond du chenal, afin d’y maintenir le tirant d’eau voulu, et l’on réduira d’année en année la ligne d’eau du canal, qui tout d’abord, sur la plus grande partie de la traversée du lac, présentera une largeur excessive, allant peut-être jusqu’à 2 ou 3 kilomètres ; avec le temps et la drague, le lac sera restreint aux dimensions normales du canal.

Et cet endiguement sera aussi pratiqué dans le lac Timsah et les lacs amers, dût-il l’être par une autre méthode et à plus de frais. Il est sage de resserrer la superficie de toutes ces nappes, au lieu de les abandonner à leurs limites naturelles et de livrer ainsi à l’évaporation d’énormes quantités d’eau du Nil susceptibles d’un meilleur emploi. Pourtant il sera à propos de réserver dans les lacs Bourlos, Menzaleh et Timsah, des enceintes où l’on établira des ports intérieurs correspondant chacun à l’une des branches secondaires du fleuve, toutes navigables. En définitive, le projet nouveau fait complètement ce que les autres projets ne font qu’en partie : il s’empare de tous les lacs de la Basse-Égypte ; il les utilise tous, soit comme lit du canal, soit comme ports, soit comme dessèchement et restitution de vastes domaines à la culture. Il fait ainsi disparaître un état déplorable de barbarie contre lequel se sont élevées tant de protestations impuissantes, et, loin d’offrir des obstacles, cette précieuse traversée