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relativement à une question sur laquelle il n’est permis de statuer qu’après des études définitives ; mais nous avions à noter l’une des ressources éventuelles de l’exécution.

Il n’y a point lieu de le dissimuler : les travaux accessoires qui doivent assurer l’existence du canal, ou qui en sont la conséquence presque forcée, sont multipliés, et nous allons les énumérer. C’est l’une des heureuses nécessités du projet, puisque tous ces travaux profiteront à l’Égypte et emporteront avec eux une rémunération distincte, ainsi qu’on le verra plus tard. Voici, approximativement du moins, les longueurs respectives des deux branches du Nil qui doivent être endiguées, et celles des canaux et rigoles à ouvrir ou à réparer :

Endiguemens du Nil sur les deux branches 80 kilom.
Les quatre branches nord et nord-est 130
La rigole transversale 170
La branche du lac Timsah 150
Canal débouchant à Peluse 30
Total 560 kilom.

Avant de faire ressortir les conséquences avantageuses du projet, nous avons hâte d’aller au-devant des objections qu’il nous est aisé de prévoir relativement à la durée et surtout à la facilité de l’exécution. Nous serions étonnés qu’il n’y eût pas quelque inquiétude sur la traversée des lacs, où le canal a un parcours de près de 200 kilomètres, et sur la traversée des deux branches du Nil. Pas plus d’un côté que de l’autre ne se rencontrent de ces difficultés exceptionnelles inhérentes aux deux autres projeta ; la seule hardiesse du projet nouveau, si c’en est une, est de remuer largement la terre d’Égypte ; du reste, il lui est permis d’user de la puissance de l’art avec modération.

Les lacs Bourlos et Menzaleh, que le canal traverse, ne sont pas, comme quelques lacs fameux, de petites mers intérieures, ce qui eût été tout profit pour un canal de jonction ; ce ne sont pas davantage des marais stagnans et vaseux, ce qui aurait pu être un embarras. Ces lacs sont alimentés par la Méditerranée, avec laquelle ils communiquent par les brèches du littoral, et par le trop-plein des inondations du Nil. Leur unique office est de recevoir la décharge des canaux d’irrigation ou les eaux courantes de la crue, et d’en écouler une portion à la mer, sous la condition de se laisser pénétrer par les eaux salées. Entretenus par cette double invasion, ils occupent sur la zone maritime du Delta des espaces immenses et : perdus, et ils gagnent insensiblement en étendue ; l’un et l’autre sont parsemés de bas-fonds et d’îlots nombreux. Tels sont ces lacs, dont la traversée peut être taxée de témérité à l’inspection d’une carte, et cesse d’être un épouvantail après une description exacte. Il y a