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sans en avoir fait une étude pratique. Ses remarques et ses jugemens nous semblent superficiels et nullement concluans.

À la suite de ces quatre essais viennent des observations sur les cathédrales du continent, des souvenirs d’un voyage en Suisse et en Italie, des notes sur les peintres italiens, et enfin une lettre inachevée sur la philosophie de M. Auguste Comte. Il est clair que l’esprit de M. Wallace n’avait rien d’exclusif, et nous pouvons concevoir une intelligence largement douée qui toucherait avec puissance, quoique en passant, à tous ces divers sujets, pour faire jaillir de chacun d’eux une succession d’étincelles électriques, ou pour les enchaîner tous dans une même harmonie. Il faut toutefois dans ces pages nous contenter de la bonne volonté et de la jouissance évidente avec laquelle l’auteur épanche ses sensations. Çà et là, comme l’ardeur de son enthousiasme eût pu le faire présumer, il s’est abandonné à des élans de description poétique ; mais ce sont là les parties les moins attrayantes de son livre, et l’enflure de ces passages pourrait même donner des doutes sur la vérité de son sentiment général pour l’art. En tout cas, il est loin d’être un maître dans son propre art d’écrivain, et quand il quitte le beau style pour un ton plus simple, sa prose est gauche et mal construite, malgré l’abondance aventureuse avec laquelle elle s’épanche. Néanmoins la jeunesse est si visible dans ces défauts, qu’ils appellent l’indulgence, et ce n’est que justice peut-être de supposer que la maturité, en arrivant à l’auteur, lui aurait fait produire de bien meilleurs fruits.

Les pages sur la philosophie de M. Comte ne sont que la première ébauche d’une lettre qui, à la mort de M. Wallace, a été trouvée dans ses papiers. Nous les mentionnons seulement pour en extraire un ou deux passages qui sont remarquables comme venant d’un citoyen des États-Unis. Après avoir énergiquement soutenu que la philosophie positive était applicable et devait être appliquée à l’ordre des phénomènes moraux, il s’attaque virilement aux théories sociales du jour, et donne un franc démenti aux axiomes des démocrates républicains ou socialistes et autres docteurs du corps politique. Ainsi les dogmes populaires, que « tous les hommes ont des droits égaux, » et que tout pouvoir politique ne « peut procéder légitimement que du consentement des gouvernés, » sont traités par lui de sophismes métaphysiques. Plus loin il ajoute : « Quant à ces maximes démocratiques sur les droits de l’homme, elles sont clairement fausses et pernicieuses, parce qu’elles sont de la pure métaphysique, et parce qu’elles ne s’accordent pas avec les phénomènes des sociétés tels qu’ils sont consignés dans l’histoire. Que ces notions ne représentent aucunement les lois implantées dans la nature de l’homme en tant qu’être social, cela résulte clairement du fait que jamais la société n’a obéi à de telles règles, et qu’elle n’a jamais été compatible avec elles. »

Des principes de ce genre sont faits pour frapper chez un citoyen de la république modèle. On se fût à peine attendu à les entendre sortir d’une telle bouche ; mais nous ne serons peut-être pas dans l’erreur en supposant que M. Wallace avait appris à douter des vérités républicaines en contemplant de près leurs conséquences pratiques.

w. h. darley.

V. De Mars.