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ESSAIS ET NOTICES.

REVUE ÉTRANGÈRE.

Nous signalions l’autre jour le mouvement d’études sérieuses qui s’accroît et se propage en Allemagne ; en voici de nouveaux témoignages que nous nous empressons de recueillir. Un libraire de Leipzig, M. Hirzel, qui se distingue par son activité et par le choix de ses publications, vient de faire paraître deux ouvrages qui ne peuvent manquer de saisir vivement l’attention des penseurs ; l’un est une Histoire de la Logique dans l’Occident par M. Charles Prantl[1], professeur à l’université de Munich ; l’autre est une Philosophie du Christianisme, par M. Christian Weisse[2].

En publiant son œuvre, qui est évidemment le fruit de longues années de travail, M. Charles Prantl remarque avec une satisfaction très allemande qu’il traite un sujet tout nouveau (invia doctorum pedibus peragro loca), et qu’il n’a trouvé que d’insuffisantes ressources chez les écrivains qui l’ont précédé. Ramus dans ses Scholæ dlalecticæ, Gassendi dans son livre intitulé De Logicæ origine et varietate, avaient donné sans doute des indications fort utiles ; mais M. Prantl est un de ces esprits acharnés qui croient que rien n’est fait tant qu’il reste à faire quelque chose ; il prend son sujet dès les plus lointaines origines et ne nous fait grâce d’aucun détail. L’histoire de la philosophie ancienne a été, de nos jours surtout, l’objet de bien des travaux approfondis ; a-t-on étudié les procédés de l’esprit humain dans les différentes écoles avec autant de soin et d’attention qu’on étudiait ces écoles même et leurs doctrines générales ? M. Prantl ne le croit pas. Rechercher ce qu’a été l’art de penser chez les Éléates, chez les Mégariens, dans l’école de Socrate et de ses glorieux successeurs, telle est la tâche qu’il se donne. Cet art de penser, tantôt il est formulé, chez Aristote par exemple, avec une force et une précision supérieure, tantôt il s’exerce naïvement sans se rendre compte à lui-même des procédés qu’il emploie ; le docte critique veut découvrir ces secrets et montrer quelles phases de progrès ou de décadence la logique a traversées dans l’Occident depuis Parménide et Zenon jusqu’à Kant et Hegel. Le premier volume que nous avons sous les yeux embrasse toute la philosophie ancienne, et s’arrête au seuil du moyen âge avec Boèce ; le second, qui doit paraître bientôt, comprendra la scolastique et la philosophie moderne. C’est à coup sûr un tableau instructif que cette histoire des procédés de l’esprit chez les penseurs de la Grèce et des écoles alexandrines ; M. Prantl y a déployé une science incontestable et quelquefois des vues ingénieuses et fécondes. Je ne dirai pas que le livre soit bien fait, qu’il soit composé avec art, que la logique, sujet de ces longues investigations, appa-

  1. Geschichte der Logik im Abendlande, von Carl Prantl ; premier vol., Leipzig 1836.
  2. Philosophische Dogmatik oder Philosophie des Christenthums, von Ch. Weisse ; premier vol., Leipzig 1855. Hirzel. Paris, Glaeser, rue Jacob, 9.