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ques démêlés avec la milice nationale de Madrid. Sa rentrée au pouvoir ne peut que promettre un appui de plus à une politique modérée dans le sein du conseil. Ce n’est plus toutefois comme ministre de l’intérieur que M. Francisco Santa-Cruz revient au gouvernement, c’est comme ministre des finances. Or les finances sont certainement un des côtés les plus graves de la situation de l’Espagne, et il reste à savoir si le nouveau ministre sera à la hauteur des difficultés qu’il va avoir à résoudre. C’est peut-être pour n’avoir pas pu vaincre ces difficultés que M. Bruil s’est retiré après avoir mis la main à beaucoup d’opérations d’un succès au moins douteux. La chose est curieuse à observer. Il y a à Madrid une assemblée qui est en permanence, qui prolonge son existence au risque d’ajouter à l’incertitude du pays, qui se livre chaque jour aux querelles les plus irritantes et les plus stériles, et qui n’a point trouvé le temps de discuter sérieusement le budget. Les contributions publiques se perçoivent encore, selon l’habitude, en vertu d’une autorisation préalable, et ce budget même présente un déficit considérable, principalement occasionné par la suppression de l’impôt des consumos. Pendant l’année qui vient de s’écouler, on a cherché, à l’aide de divers emprunts et d’opérations onéreuses, à combler le vide laissé par cette suppression ; mais la difficulté ne subsiste pas moins tout entière pour le nouveau ministre comme pour celui qui s’est retiré. Il s’agit toujours de créer des ressources permanentes pour faire face à des dépenses permanentes. M. Francisco Santa-Cruz proposera-t-il le rétablissement des droits de consommation ? La question serait bien vite résolue si ce n’était pour la révolution une espèce de désaveu d’elle-même, et si on ne craignait de mettre une arme dans la main des partis extrêmes. Il n’y a point cependant d’autre issue pour rétablir un certain équilibre financier.

La situation de l’Espagne, à ce point de vue, reste donc singulièrement embarrassée, soit par suite des mesures irréfléchies adoptées l’an dernier, soit par bien d’autres causes qui contribuent à maintenir le pays dans une certaine stagnation matérielle. Dans tous les cas, si l’Espagne ne retrouve pas subitement aujourd’hui la route de toutes les prospérités matérielles et financières, ce ne sont pas les moyens de crédit qui vont lui manquer. Depuis quelque temps en effet, il y a à Madrid une véritable invasion de faiseurs, de projets, de capitaux en espérance, si l’on nous passe ce terme. Banques, institutions de crédit, sociétés mobilières, — jusqu’ici on en peut compter au moins quatre, qui viennent d’être l’objet de concessions de la part du gouvernement et du congrès. Durant plus d’un mois, il n’a été question que de cela dans les couloirs de l’assemblée aussi bien qu’à la bourse de Madrid. La spéculation a fait son entrée à pleines voiles dans la vieille Espagne, et la petite chronique de cette entrée solennelle ne serait peut-être pas sans offrir quelques particularités curieuses. Quoi qu’il en soit, la première de ces sociétés nouvelles s’est formée sous les auspices et au nom des fondateurs du crédit mobilier de France, qui avaient commencé par avancer au ministre des finances une somme de 6 millions de francs pour le paiement du semestre de la dette, et avaient eu peut-être un moment la pensée d’obtenir le privilège d’une entreprise unique de ce genre. Il n’en a point été ainsi cependant. Un autre banquier français, M. Prost, a fait une soumission de la