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chante avec eux, et imitent toute sorte de bruits, mais encore on les a entendus jouer des airs sur des instrumens, sonner les cloches et même exécuter des marches militaires. D’autres fois, on voit des meubles ou des objets de diverse nature se mettre en mouvement, tandis que d’autres au contraire prennent une telle adhérence au plancher, que plusieurs hommes ne peuvent les ébranler. Là, des mains sans corps se laissent voir et sentir, ou bien elles apposent, sans qu’on les voie, des signatures appartenant à des personnes décédées. Ici, on aperçoit des formes humaines diaphanes dont on entend même quelquefois la voix ; ailleurs, des porcelaines se rompent d’elles-mêmes, des étoffes se déchirent, des fenêtres sont brisées à coups de pierres, des femmes sont décoiffées. Le lecteur rapprochera ces derniers phénomènes de celui que j’ai rapporté plus haut, où des vases étaient arrachés des mains de religieuses en proie au démon. Il rapprochera encore du cas de ces mêmes religieuses ces hommes qui, dans la manifestation américaine, sont entraînés tout d’un coup d’un bout d’une chambre à un autre, ou bien enlevés en l’air, et y demeurent quelques instans suspendus.

Pour que ces choses se produisent, une condition est nécessaire, c’est la présence de certaines personnes qui en sont les intermédiaires obligés, et qu’en conséquence on désigne sous le nom de médiums. Il y a les rapping mediums, c’est-à-dire ceux dont l’intervention est signalée par les coups et les bruits ; sous l’influence des esprits, ils tombent dans des états nerveux où ils ne sont plus que de véritables automates, et alors, aux questions qu’on leur adresse, ils répondent par des mouvemens spasmodiques et involontaires, soit en frappant des coups avec la main, soit en faisant des signes de la tête ou du corps, soit en parcourant du doigt les lettres d’un alphabet. Il y a les writing mediums, les mediums qui écrivent ; tout à coup ils sentent leur bras saisi d’une roideur tétanique, et, munis d’une plume ou d’un crayon, ils servent d’instrumens passifs pour écrire des pages et quelquefois des volumes entiers sans que leur intelligence soit en jeu. Il est curieux que le bras seul soit affecté, mais on trouvera un exemple d’une semblable localisation (je demande pardon pour ce terme de médecine) dans les aboiemens démoniaques des femmes d’Amou, près de Dax, au XVIIe siècle ; il s’y joignait un violent remuement du bras, avec un tel mouvement de la main et des doigts, qu’aucun joueur d’instrument n’eût pu les mouvoir si vite et avec une telle agilité, et ce bras était devenu comme un membre ou une pièce étrangère du corps qui n’était plus à la libre disposition de la possédée. Il y a les speaking mediums, les mediums qui parlent. Ceux-ci sont de véritables pythonisses ;