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facile au pouvoir occulte qui les dominait de rendre invulnérables et impassibles des corps fragiles et délicats.

C’est parmi un grand nombre d’histoires de ce genre que j’ai choisi ces quelques exemples. On voit que les temps jadis ont été agités par les manifestations dites surnaturelles, que ces manifestations ont eu un caractère éminemment collectif, saisissant toujours un grand nombre de personnes et les soumettant à un même ordre de sensations et d’actions, qu’elles ont été diversement jugées au sein des populations où elles éclataient, tantôt considérées comme le plus abominable des forfaits et poursuivies comme telles, tantôt débattues, contredites, et exerçant aussi peu d’empire sur ceux qui n’y croyaient pas qu’elles en exerçaient sur ceux qui y croyaient, et que finalement elles se sont éteintes sans laisser d’autre trace de leur passage que le souvenir de leur singularité et la difficulté d’en faire la théorie, et sans avoir sur la société contemporaine ou future aucune de ces influences que semblait leur promettre la nature des agens ou des effets.

Il y avait longtemps qu’aucun grand fait de ce genre ne s’était produit dans les temps modernes. Tout se réduisait à des cas isolés, et partant sans importance et sans retentissement, lorsque tout à coup, à l’occasion du phénomène des meubles qui craquent et des tables qui tournent, reparaît, sous une autre forme, un ébranlement analogue à celui des âges précédens. Tout le monde connaît l’histoire des tables qui tournent ; après avoir tourné quelque temps, elles commencèrent à se dresser sur leurs pieds et à frapper des coups ; puis, leur parlant et conversant avec elles au moyen d’un alphabet, on apprit qu’elles étaient animées par des âmes de morts, par des esprits, par des démons, et l’on obtint, grâce à cet intermédiaire, des renseignemens sur le passé, sur l’avenir des individus et de la société, et sur le mode d’existence des êtres incorporels à qui on avait affaire. Quant aux meubles qui craquent, les premiers bruits se firent entendre, il y a six ou sept ans, dans une maison située à Hydesville (état de New-York). Cette maison passait pur avoir antérieurement retenti de bruits étranges, et deux jeunes filles furent les premières qui se trouvèrent en communication avec les nouveaux phénomènes. Ces bruits, à la différence des anciens bruits, qui s’étaient éteints sans trouver un milieu favorable, se propagèrent dans le voisinage, et successivement gagnèrent toute l’étendue des États-Unis. Au moyen des coups, les êtres invisibles sont parvenus à faire des signes affirmatifs et négatifs, à compter, à écrire des phrases et des pages entières. Non-seulement ils battent des marches suivant le rhythme des airs qu’on leur indique ou qu’on