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de son caractère. Singulières et merveilleuses sans doute, elles se sont passées dans les abominations du sabbat, dans les impiétés, dans les méfaits de tout genre ; l’imagination de ceux qui étaient sous son inspiration, sous sa domination, n’a cherché que les choses perverses ou dégoûtantes, et mettant dès lors les inquisiteurs et les juges à cet affreux diapason, la scène s’est encore assombrie. La justice, se montrant aussi cruelle que le diable était méchant, a promené la mort parmi les sectateurs du prince des ténèbres, et les flammes terrestres des bûchers dévorans ont répondu aux flammes de l’enfer et aux feux nocturnes du sabbat sur la bruyère solitaire et désolée. Cependant il s’en faut de beaucoup que les manifestations aient toujours le caractère diabolique, et maintes fois elles ont été inspirées par des influences qui venaient du ciel. Tel fut le cas des camisards. Dans un temps où les passions religieuses avaient perdu de leur violence, et où la persécution commençait, dans une société refroidie, à n’avoir plus de raison, une des plus cruelles persécutions qui se vit jamais s’abattit sur les paisibles populations des Cévennes, à la honte ineffaçable de Louis XIV et des agens qui le servirent dans ces impardonnables violences. Soudainement les maisons furent envahies ; la fuite et l’exil séparèrent les familles ; les enfans furent arrachés aux pères et aux mères ; les récalcitrans furent livrés aux gibets ou aux galères ; les biens furent confisqués ; une soldatesque effrénée fut chargée du système de conversion, qui a gardé le nom historique de dragonnades. Dans cet excès de misère, des visitations célestes vinrent adoucir les maux des persécutés ; ce ne fut plus le démon et son hideux cortège qui hantèrent les imaginations ; ce fut la foi dans le secours divin, le courage dans la souffrance qui s’emparèrent des cœurs. Alors se manifestèrent toute une série de phénomènes sans exemple dans l’histoire. Le don de prophétie se répandit parmi les gens les plus illettrés ; la bouche même des enfans s’ouvrit pour prononcer des paroles illuminées, et ces paroles envoyaient les insurgés au-devant des fusils et des convertisseurs. Un enfant de quinze mois, qui fut mis en prison avec sa mère, prophétisait ; il parlait avec sanglots, distinctement et à voix haute, mais pourtant avec des interruptions, ce qui était cause qu’il fallait prêter l’oreille pour entendre certaines paroles ; il parlait comme si Dieu eût parlé par sa bouche, se servant toujours de cette manière d’assurer les choses : je te dis, mon enfant. Ailleurs, quelques camisards étant réunis, une fille de la maison vint appeler sa mère et lui dit : « Ma mère, venez voir l’enfant. » Puis la mère appela les autres personnes, disant qu’elles vinssent voir le petit enfant qui parlait, et ajoutant qu’il ne fallait pas s’épouvanter et que ce miracle était déjà arrivé. Tous coururent. L’enfant, âgé de treize ou quatorze mois,