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question. Une femme était étendue sur le chevalet, et Satan, niché dans l’épaisseur de sa chevelure, cherchait à ranimer son courage et répétait que l’épreuve touchait à sa fin. Près de certains condamnés, le diable se tint jusqu’à la fin des épreuves de la question, et ils l’entendaient parler aussi distinctement que s’il eût été logé dans leur tympan. Une autre, s’étant décidée à raconter les moindres détails de son histoire, préluda à ce récit en adressant une prière au Seigneur ; tout à coup elle est précipitée en arrière, la tête à la renverse. D’abord on la croit morte, mais aussitôt qu’elle a repris ses esprits : « Comment ne voyez-vous pas, s’écria-t-elle, le démon qui vient de me terrasser et qui s’est caché sous ce meuble ? »

Le Labourd, au commencement du XVIIe siècle, eut sa sorcellerie, que les juges chargés de cette commission s’efforcèrent de détruire par la torture et par le feu. Les supplices, mêlés avec les visions du diable, jetèrent les inculpés dans un état d’esprit qui leur faisait ardemment souhaiter la mort. La plupart parlaient avec une expression passionnée des sensations éprouvées au sabbat ; ils peignaient en termes licencieux leur enivrement, ils assuraient avoir vu à ces réunions des individus appartenant à toutes les contrées de la terre, et disaient que les adorateurs du démon ne sont pas moins nombreux que les étoiles du firmament. Beaucoup déclaraient être présentement trop bien habitués à la société du diable pour redouter les tourmens de l’enfer, et avoir la conviction que les flammes qui brûlent dans les abîmes de la terre ne diffèrent pas des feux du sabbat. Quand les femmes étaient amenées devant la justice, elles ne pleuraient pas, ne versaient pas une seule larme, et même le martyre de la torture ou du gibet leur était si plaisant (pour me servir de l’expression de celui qui les y envoyait), qu’il tardait à plusieurs d’être exécutées à mort, souffrant fort joyeusement qu’on leur fît leur procès, tant elles avaient hâte d’être avec le diable ; elles ne s’impatientaient de rien tant en leur prison que de ce qu’elles ne lui pouvaient témoigner combien elles désiraient souffrir pour lui, et elles trouvaient fort étrange qu’une chose si agréable fût punie. Là ne s’arrêtaient pas les phénomènes, et à peine les cendres de ces sorcières étaient-elles livrées aux vents, que d’autres scènes éclataient. Les filles de celles qui avaient péri adressaient d’amers reproches au diable : Tu nous avais promis, lui criaient-elles dans leurs lamentations, que nos mères prisonnières seraient sauvées ; néanmoins les voilà réduites en cendres. — Alors le diable se disculpait, il leur maintenait effrontément que leurs mères n’étaient ni mortes ni brûlées, mais qu’elles reposaient en quelque lieu où elles étaient beaucoup mieux à leur aise que dans ce monde. Et, pour mieux les surprendre, il leur disait : Appelez-les, et vous verrez ce qu’elles vous en diront. Alors ces