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nord. Les rapports des premiers navigateurs qui doublèrent le cap Horn, et plus tard de Cook et de Forster, contribuèrent à répandre à cet égard des idées fort exagérées, contre lesquelles Weddell essaya de réagir. Les observations de Fitz Roy, de Byron, de Bancks, de Barrow et de Dumont d’Urville, dans le détroit de Magellan et la Terre-de-Feu, ont prouvé que ces régions, que Forster avait décrites sous de si sévères couleurs, jouissent à peu près du climat de la Norvège occidentale ; il faut remarquer d’ailleurs que tous les navigateurs n’ont jamais exploré les abords de la zone antarctique que pendant la saison d’été. Or il semble assez probable, en vertu de la prédominance de la mer sur les terres entre les pointes méridionales de l’Amérique et de l’Afrique, que si les étés y sont plus froids que dans la zone arctique, en revanche les hivers y sont beaucoup moins rigoureux. Les météorologistes se sont mis bien souvent l’esprit à la torture pour trouver les causes de la différence des températures moyennes dans les deux hémisphères, avant qu’elle ne fût incontestablement démontrée. Pour faire voir le degré de confiance qu’il faut accorder à ces raisonnemens, il suffira de dire qu’on a cherché d’abord à démontrer que la zone australe était la plus froide, parce qu’elle contenait le moins de terres, et depuis les dernières découvertes on essaie de démontrer la même chose, par la raison que le pôle sud est le centre d’un immense continent, siège d’un rayonnement constant. Il serait trop long de faire la critique des argumens de toute espèce qu’on a mis en avant dans l’examen de cette question si complexe, depuis l’excentricité de l’orbite de la terre jusqu’à l’hypothèse d’un rayonnement inégal vers les diverses parties de la sphère céleste : il vaut sans doute mieux attendre que l’on possède des indications plus nombreuses et des observations plus suivies sur les températures de l’hémisphère austral. Il est malheureusement à craindre qu’on n’en recueille jamais beaucoup dans la zone antarctique proprement dite. Si elle est le siège d’un véritable continent, on peut dire qu’il n’y a sur aucun autre point du globe une aussi vaste région entièrement fermée à l’homme. Des caravanes traversent les déserts brûlans de l’Afrique centrale ; l’Australie s’entoure d’une ceinture de riches colonies qui envahiront un jour l’intérieur des terres. Les Anglo-Saxons s’établissent d’année en année plus avant dans les provinces de l’Amérique centrale, que les dernières tribus d’Indiens ne peuvent plus songer à leur disputer ; mais il y a sans doute autour du pôle sud des solitudes immenses où l’homme ne pénétrera jamais, des déserts de neige assez grands peut-être pour qu’un œil perdu dans les profondeurs du ciel aperçoive à leur place une tache blanchâtre pareille à celle que nous découvrons sur les pôles de Mars.


AUG. LAUGEL.