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et paraissent former plutôt les diverses parties d’un même continent que de grandes îles détachées.

On peut achever grossièrement les côtes de ce continent antarctique en reliant sur une carte la terre Victoria aux côtes de Dumont d’Urville et de Wilkes, et ces dernières à la terre d’Enderby ; sur les autres méridiens, entre 150 degrés de longitude occidentale et 40 degrés de longitude orientale, on n’a presque aucun point de repère. C’est faire une pure hypothèse que d’admettre la continuité des côtes précédentes avec les terres de la Trinité et de Graham ; mais on peut l’admettre un instant pour rechercher quelle est la plus grande étendue qu’on puisse concevoir pour ce continent polaire. Pour l’apprécier approximativement, il faut tenir compte des deux données, en quelque sorte négatives, qui sont fournies par les latitudes extrêmes auxquelles Cook et Weddell sont parvenus sans apercevoir la terre, le premier entre 100 et 110 degrés ouest et le second entre 30 et 40 degrés ouest. En reculant au-delà de ces deux points la ligne de côtes qui unirait la terre de Palmer et de la Trinité, d’une part à la terre d’Enderby, de l’autre au prolongement de la terre Victoria, on ne peut manquer d’être frappé de la coïncidence que présente dans ses traits généraux ce continent supposé avec le continent de l’Amérique du Sud, qui lui fait face, et dont il est en quelque sorte le symétrique un peu amoindri. Ces continens forment deux grands triangles qui sont opposés par leur angle le plus aigu. Le cap allongé qui forme la terre de Palmer et de la Trinité est à peu près en regard de la pointe inférieure de l’Amérique méridionale, et les terres de Louis-Philippe et de Joinville pourraient être regardées comme les symétriques de la Terre-de-Feu. Le continent antarctique s’élargit jusqu’à la hauteur de la terre d’Enderby et de la terre de Victoria comme le continent américain jusqu’au cap Saint-Roque et aux Andes de Quito : il n’est pas jusqu’à la grande inflexion des Andes de Bolivie qui n’ait son correspondant exact dans le golfe profond que ferme la terre Victoria jusqu’au mont Érèbe. Les dimensions du continent antarctique dans les limites que je lui ai ainsi assignées sont un peu supérieures à celles de l’Australie : il y a une distance de 1,200 lieues environ entre la terre de Palmer et la côte Adélie, et plus de 900 lieues en ligne directe entre la terre Victoria et la terre d’Enderby.

L’existence d’un continent antarctique est liée d’une manière très intime à l’une des questions les plus obscures de la météorologie du globe, je veux parler de la température de l’hémisphère austral comparée à celle du pôle boréal. Jusqu’au 50e degré de latitude, la distribution des températures est à peu près identique dans les deux hémisphères ; mais la température des régions plus éloignées de l’équateur paraît être plus basse vers le pôle sud que vers le pôle