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terres qui furent depuis reconnues par Ross, Dumont d’Urville et Wilkes ; il suivit, comme ces deux derniers, sur une très grande distance l’énorme falaise des glaces, aperçut les hauteurs neigeuses auxquelles Dumont d’Urville donna le nom de côte Clarie, mais il ne les prit que pour de gigantesques montagnes de glaces ; il crut plusieurs fois apercevoir la terre, et vit entre autres la côte Sabrina, située sous le 120e degré méridien. Il importe de tenir un compte exact des remarquables découvertes de Biscoë et de Balleny, qui n’ont malheureusement publié aucune relation de leur voyage, pour faire une juste part à tous les explorateurs dans la découverte du prétendu continent austral, dans le cas où elle se vérifierait jamais complètement. Je me hâte d’arriver aux trois expéditions, française, anglaise et américaine, qui explorèrent en même temps la zone australe sous le commandement de Dumont d’Urville, de sir James C. Ross, le neveu du vétéran des mers arctiques, et du capitaine Wilkes.

Ce ne fut pas un commun accord qui rassembla ces navigateurs à la même époque dans les parages antarctiques, et ils semblent n’avoir pas compris les avantages qui auraient sans doute pu résulter d’une action combinée. Quand Ross, arrivé à Hobart-Town, apprit, au moment de partir pour le sud, les premières découvertes de Dumont d’Urville et celles de Wilkes, il ne put s’empêcher de manifester un peu de dépit et se plaignit d’avoir été prévenu. Pourtant si un champ doit être libre, c’est sans doute la mer et une mer inconnue, où on ne se risque qu’en affrontant de cruelles souffrances et la plus affreuse de toutes les morts. C’est d’ailleurs parce qu’il fut obligé de changer la route qu’il comptait suivre, que Ross découvrit la fameuse terre Victoria, se rapprocha beaucoup plus du pôle que ses rivaux, et fit incontestablement la plus riche moisson de découvertes. La géographie n’eut qu’à gagner à ces compétitions : les résultats furent soumis à un contrôle sévère ; mais, comme on le verra, les discussions qui s’élevèrent sur la priorité et l’importance des découvertes firent bien voir que les commandans ne s’étaient guère pardonné une rencontre où ils voyaient moins l’effet du hasard que d’une jalouse rivalité.

C’est seulement pendant les mois qui nous amènent l’hiver que les marins peuvent aller visiter la zone antarctique, et chaque année, à cette époque, de nombreux baleiniers, presque tous américains, vont en explorer les abords. Les températures de l’hémisphère austral sont en effet, si on pouvait le dire, les antipodes de celles de l’hémisphère opposé, et dans les colonies de l’Australie les Anglais célèbrent à l’époque des fleurs et du soleil les fêtes de Noël, qui dans leurs souvenirs sont associées au froid humide et aux brumes les plus épaisses de la patrie éloignée. C’est pendant que les navigateurs