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beaux joyaux ; son manteau est de soie, sa couronne de perles ; une aiguille d’or à tête de perle attache sa chlamyde, et une peau de cerf forme la housse de son cheval. Après elle vient une fille de Fastrade, Théodrade, enfant au visage rosé, au front blanc, aux cheveux plus jaunes que l’or ; son manteau couleur d’hyacinthe est garni de fourrure de taupe, et ses pieds sont chaussés de cothurnes. Montée sur un cheval blanc, elle le pique sans cesse pour arriver en hâte à la forêt, et sa jeune sœur Hildrude a peine à la suivre. C’est celle-ci qui clôt le cortège des princesses : ainsi l’a voulu le sort de la naissance… »

Tudun quitta Aix-la-Chapelle assez mécontent, malgré les caresses et les fêtes, et bien refroidi dans sa ferveur chrétienne. Il avait espéré que le vainqueur lui laisserait la possession de son royaume pour prix de sa docilité et en vertu de son baptême, mais il s’était trompé dans ses calculs : Charlemagne avait besoin de s’assurer des positions militaires en Hunnie, soit contre une révolte des Avars eux-mêmes, soit contre l’empire grec, dont la mauvaise humeur devenait menaçante, et qui pouvait un jour ou l’autre tenter contre lui, sur les bords du Danube, au moyen des Huns, ce qu’il tentait naguère sur ceux du Pô au moyen des Lombards. Ce double motif lui fit réserver les Pannonies, qu’il incorpora au territoire frank comme une annexe de la Bavière. Il en fit autant de la rive gauche du Danube jusqu’au Vaag. Le reste fut conservé comme royaume de Hunnie, feudataire de l’empire frank, et le kha-kan Tudun en obtint l’investiture des mains de Charlemagne. Par suite de ce partage, les provinces pannoniennes reçurent des gouverneurs royaux, qualifiés de comtes ou de préfets, et l’empire frank toucha l’empire grec à la Save. C’est cette portion des contrées danubiennes que les écrivains byzantins appellent Franco-Chorion, le canton des Franks. Pour s’assurer d’ailleurs l’obéissance des populations hunniques, slaves et pannoniennes, qui occupaient le canton, et prévenir entre les empereurs de Constantinople et les kha-kans des menées secrètes qui eussent entretenu l’agitation parmi elles, il fit descendre le long du Danube des colonies germaines levées en Bavière, ou slaves tirées de la Carinthie, et leur assigna des cantonnemens sur divers points. Il s’en établit successivement un grand nombre, et ainsi se créa autour de tienne et du mont Comagène un noyau de population teutonique.

Cette mesure mit le comble au mécontentement des Huns. Dans leur colère, ils rompirent le serment de vasselage qu’ils avaient prêté à Charlemagne, et ceux qui s’étaient faits chrétiens abjurèrent leur nouvelle foi. Tudun lui-même et ses compagnons, qui avaient figuré sous la robe de fin au baptistère d’Aix-la-Chapelle, ayant abjuré publiquement le christianisme, la nation reprit ses anciens dieux et