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vertus du duc de Bavière ; il haïssait, il aimait, il conspirait tout haut, et Charles, informé d’une partie de ses menées, soit par le pape, soit par les Bavarois eux-mêmes, somma son cousin de se rendre à la diète des Franks, qui devait se tenir dans la ville de Worms au printemps de l’année 787. Quoique la sommation eût été faite dans toutes les formes, Tassilon n’y obéit point. C’était, d’après la loi féodale, un acte de félonie et une déclaration de guerre. Charlemagne, à peine la diète terminée, entoura la Bavière d’un cordon de soldats, et marcha lui-même vers la rivière du Lech : il y trouva le vassal réfractaire plus mort que vif, humilié, repentant, implorant son pardon avec larmes. Telle fut la campagne du rebelle Tassilon. Charles se laissa fléchir encore cette fois ; il reçut de lui, avec le bâton, symbole de l’autorité ducale, un nouveau serment de foi et hommage, les mains de Tassilon placées dans les siennes ; mais, pour plus de garantie, il voulut qu’on ajoutât au serment douze otages choisis parmi les plus qualifiés de la Bavière, et le fils du duc comme treizième. Le danger avait été grand pour le gendre de Didier, et la peur encore plus grande : l’orage passé, il n’y songea plus, et Liutberg aidant, il se replongea dans les intrigues avec plus d’audace que jamais.

La fortune au reste semblait le favoriser. La flotte grecque mettait réellement à la voile, le midi de l’Italie s’armait, une sourde agitation se propageait dans le nord. Il revint à la charge près du kha-kan des Avars, à qui cette fois il fit partager ses espérances. Un traité fut conclu entre eux, par lequel le kha-kan s’engagea à envoyer l’année suivante une armée en Italie et une autre en Bavière : celle-là chargée de se joindre aux Grecs, celle-ci destinée à pousser les Bavarois, qui hésiteraient sans doute à se déclarer contre les Franks. L’impulsion une fois donnée, il serait facile d’entraîner la Thuringe et les tribus saxonnes, encore frémissantes. Que garantissait ou que promettait ce traité aux Huns, qui ne faisaient jamais rien pour rien ? On ne le sait pas positivement, mais on peut supposer avec quelque raison que la Bavière leur abandonnait cette frontière de l’Ens qui leur tenait tant au cœur ; ils avaient aussi l’espoir d’un grand butin à prélever, soit sur les amis, soit sur les ennemis. Cette idée de contraindre la Bavière à la guerre contre les Franks par une poussée des Avars appartenait, selon toute apparence, à Liutberg, et dénotait les fureurs impuissantes d’une femme ; mais elle fut peu du goût des nobles bavarois, dont on se jouait ainsi outrageusement. Les uns, par scrupule religieux, car ils regardaient comme une impiété l’alliance de leur duc avec ces païens contre le protecteur de l’église, d’autres par scrupule de fidélité politique, car ils avaient juré foi et hommage au roi Charles, et ils tenaient à leur serment, d’autres enfin par admiration pour ce grand roi,