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tais pas t’arrêter ici, mais c’est Dieu qui t’a amenée vers moi. Chère sœur, chère amie, à présent que je t’ai dit tout, parle à ton tour, éclaire-moi.

Que lui dire, mon Dieu ? J’aurais voulu voir un missionnaire à ma place, et pourtant l’esprit d’un homme n’eût-il pas froissé cette âme si neuve et en même temps si susceptible ? Moi aussi, je me recommandai à Dieu, je lui demandai des lumières et du tact ; puis je dis à la pauvre enfant tout ce qui me parut clair, facile à saisir et surtout consolant. Je composai de mon mieux un catéchisme à l’usage d’une femme turque dont les jours sont comptés, et je tâchai de ne jamais oublier que j’étais dans un harem, ni que je parlais à une mourante de quatorze ans non encore révolus. À ma place, un membre de la société biblique, tel qu’on en rencontre en si grand, nombre chez les Juifs, les Druses, les Métualis, les Arabes et même chez les catholiques de Syrie, eût été fort content de lui-même. Ma néophyte ne perdait pas un mot de ce que je lui disais, elle comprenait vite et bien, et la sérénité semblait descendre dans son cœur à mesure que le son de ma voix frappait son oreille.

Lorsque je dis à Emina qu’il me fallait la quitter, la pauvre petite s’empara de moi, me pressa contre son cœur, et me supplia de rester encore. — Tu ne m’as pas encore tout dit, s’écria-t-elle, et j’ai encore tant de choses, et des choses si importantes, à te demander ! — Interroge-moi donc, mon enfant, et je te répondrai. — Oh ! non, pas à présent, je n’en ai pas encore le courage, et puis je me sens trop faible. Reste, je t’en conjure, reste encore, et Dieu te bénira.

Le moyen de refuser ? Je cédai et d’autant plus aisément, qu’Emina avait évidemment besoin de repos. Je l’aidai à se recoucher, puis je sortis en lui promettant de revenir dans quelques heures. Je décommandai le départ, et je me retirai dans ma chambre pour me recueillir. Je ne fus pourtant pas longtemps seule. J’avais complètement oublié que mon hôte exerçait sa patience dans une chambre voisine de celle d’Emina. Le silence qui avait succédé au murmure de notre conversation lui avait annoncé la fin de notre conférence, et il venait en apprendre le résultat. En Europe, j’eusse commis une impolitesse, sinon même une impertinence ; en Orient, on est parfaitement libre d’oublier ceux dont on n’a aucun motif de se souvenir. Hamid-Bey ne me parut en effet nullement offensé ; mais il était inquiet, car il pensait, et avec raison, que j’eusse mis plus d’empressement à lui porter de bonnes nouvelles. — Eh bien ! me dit-il en entrant, vous l’avez vue ; qu’en pensez-vous ?

— Je pense, répondis-je froidement (j’étais à cette heure-là fort irritée contre le bel Hamid), qu’elle est perdue.

— Perdue ! répéta-t-il vivement.