Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/732

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
EMINA
RÉCITS TURCO-ASIATIQUES

SECONDE PARTIE.[1]

VIII.


Emina allait une fois par semaine aux bains de la ville voisine. Elle faisait ce trajet à cheval, convenablement escortée, et Hamid lui-même l’accompagnait quelquefois, lorsqu’il avait des visites à rendre. Faites en compagnie de son époux, ces excursions étaient pour Emina une source de froissemens plus pénibles les uns que les autres, et faites sans Hamid, rien n’était plus ennuyeux. C’est ainsi d’ailleurs que se partageait sa vie : tourmens ou ennui, blessures ou oppression. Les tourmens qu’éprouvait Emina, Hamid ne s’en doutait guère. Il se croyait quitte envers sa jeune femme quand il lui avait donné quelques marques d’une banale sollicitude. Les jours où il accompagnait Emina, il s’arrêtait, si la route devenait mauvaise, pour offrir ses services à la petite amazone, qu’il précédait de quelques pas. Le vent venait-il à souffler ou le soleil à darder avec plus de force, Hamid se tournait vers Emina pour lui offrir de se reposer quelques instans sous un arbre, ou d’ajouter une fourrure à la multitude des ferradjas, mœshlaks et burnous dont elle était enveloppée ; mais si rien de tout cela n’arrivait, si la route était praticable, l’air tiède, le soleil tempéré, Hamid était homme à chevau-

  1. Voyez la livraison du 1er février.