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Jusqu’à présent, Brigham Young a réussi à peu près à échapper à la juridiction fédérale, à gouverner son peuple selon des lois théocratiques, et à vivre dans son harem avec sécurité et impunité. De loin en loin, les journaux américains nous apportent des lettres pastorales de cet étrange pontife, assez peu compromettantes et plus innocentes que le dogme de la polygamie, dans lesquelles il est annoncé aux frères en Jésus-Christ et en Joseph Smith que le bétail mormon prospère, que les petits pois sont en bon état, et que les pêchers récemment plantés n’ont pas réussi. Cependant, si l’intelligence de cet homme n’est rien moins que méprisable, il n’en est pas de même de ses autres facultés. Nous ne voulons pas croire tout ce que les Américains impriment de lui ; mais, n’y en eût-il qu’une partie de vrai, cela serait déjà suffisant. — Il avait, disent ses ennemis, l’habitude de mentir dès l’enfance, et ce talent, avant d’être pape mormon, il l’avait déployé sous l’habit de prédicateur méthodiste. Personne ne jouait mieux le fanatique dans un camp meeting, personne ne chantait mieux à plein gosier les cantiques méthodistes, personne n’entrait mieux en convulsions et n’exhortait ses frères avec plus d’onction. Sa vie civile valait sa vie religieuse. Boutiquier, personne ne savait mieux fausser les balances, les poids, les mesures, et falsifier les marchandises. Colporteur ambulant, il était de la force de M. Barnum pour monter des loteries dont les lots gagnans se composaient de vieilles faïences ébréchées et de vieux pots d’étain mis au rebut. Au milieu de tout cela, il trouvait le temps d’enlever des jeunes filles à leurs mères, ou pour mieux dire de tromper à la fois les unes et les autres par des mariages supposés, et de laisser sur le pavé, quinze jours après, ses victimes enceintes de ses œuvres. L’auteur de la Vie des femmes chez les mormons l’accuse à peu près d’inceste. Nous n’admettons rien de toutes ces accusations ; nous les répétons impartialement. Nous ne voulons pas y croire, et nous nous bornons à dire qu’il est toujours fâcheux que de pareilles histoires puissent être imputées à quelqu’un, ou que le caractère de ce quelqu’un puisse prêter à de pareilles calomnies parmi ses concitoyens.

Les autres disciples de Smith sont plus obscurs, mais tout aussi chargés d’accusations par les Américains. L’un d’eux était, car il est mort, M. Lyman, ce même M. Lyman que les Mémoires de Barnum ont rendu célèbre. Avant d’exercer le ministère religieux, de prophétiser et de lever la dîme, le digne apôtre a montré la fameuse sirène aux badauds américains et aidé le roi du humbug à soutenir le mensonge de la nourrice de Washington. M. Parley Pratt est encore un assez remarquable personnage ; on lui attribue l’aimable petite plaisanterie que voici. Envoyé en mission au Chili, il se trouva man-