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LA PETITE COMTESSE.

paisible ; mais elle est prise par intervalle de tressaillemens terribles, et ses traits s’altèrent profondément. — Je la veille en t’écrivant.


Mme de Malouet vient d’arriver avec son mari. Je l’avais bien jugée ! Sa voix et ses paroles ont été d’une mère. Elle avait eu soin d’amener son médecin. La malade est couchée dans un bon lit, entourée, aimée. Je suis plus tranquille, quoiqu’un délire effrayant se soit déclaré à son réveil.

Mme de Pontbrian a refusé absolument de venir auprès de sa nièce. Elle aussi, je l’avais bien jugée, l’excellente chrétienne !

Je me suis fait le devoir de ne plus mettre le pied dans la cellule, que Mme de Malouet ne quitte plus. La contenance de M. de Malouet m’épouvante, et cependant il m’assure que le médecin ne s’est pas encore prononcé.


Le médecin est sorti. J’ai pu lui parler. — C’est, m’a-t-il dit, une fluxion de poitrine compliquée d’une fièvre cérébrale.

— Cela est bien grave, n’est-ce pas ?

— Très grave.

— Mais le danger est-il immédiat ?

— Je vous le dirai ce soir. L’état est si violent qu’il ne peut durer longtemps. Il faut que la crise s’atténue ou que la nature cède.

— Vous n’espérez rien, monsieur ?

Il a regardé le ciel et s’est éloigné.

Je ne sais ce qui se passe en moi, mon ami… Tous ces coups se succèdent si vite ! C’est la foudre.

Cinq heures du soir.

On a mandé à la hâte le prêtre que j’ai souvent rencontré au château. C’est un ami de Mme de Malouet, un vieillard simple et plein de charité. Il est sorti un instant de cette chambre funeste ; je n’ai osé l’interroger. J’ignore ce qui se passe. Je redoute de l’apprendre, et cependant mon oreille recueille avidement les moindres bruits, les sons les plus insignifians : nne porte qui se ferme, un pas plus rapide dans l’escalier, me frappent de terreur. — Pourtant… si vite ! c’est impossible !


Paul ! mon ami,… mon frère ! où es-tu ?… Tout est fini !

Il y a une heure, j’ai vu descendre le médecin et le prêtre. M. de Malouet les suivait. — Montez, m’a-t-il dit. Allons ! du courage, monsieur. Soyez homme. — Je suis entré dans la cellule : Mme de