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voriser le progrès de tous les intérêts. Pour toutes ces œuvres, la paix est nécessaire. Ce serait donc un système de gouvernement qui triompherait, une politique nouvelle qui tendrait à se faire jour. Il est assurément très juste de tenir compte des dispositions plus conciliantes montrées par le cabinet du tsar sous l’empire d’une telle pensée. Il est cependant une circonstance qu’il ne faut point oublier, parce qu’elle est un des élémens de la situation actuelle, parce qu’elle est la force des puissances alliées, et qu’elle peut contribuer singulièrement à assurer la conclusion de la paix. Quel que soit le mérite d’une politique pacifique, la Russie ne paraît pas l’avoir compris jusqu’à une époque assez récente. La réalité est que le cabinet de Saint-Pétersbourg se refusait encore à toute concession le 28 novembre. Ce n’est que vers le 4 décembre qu’il commençait à laisser entrevoir en Allemagne des dispositions moins inflexibles.

Que s’était-il passé dans l’intervalle ? On venait d’apprendre en Russie qu’un traité avait été signé entre la Suède et les puissances occidentales ; on savait que l’Autriche venait de contracter de nouveaux engagemens avec la France et l’Angleterre ; on voyait déjà la Scandinavie et tout au moins une portion de l’Allemagne fatalement entraînées, à un jour prochain, dans la coalition des forces européennes. C’est alors qu’a commencé sérieusement l’évolution pacifique. Le Journal de Saint-Pétersbourg d’ailleurs, dans un article récent, écrit avec une remarquable modération, ne dissimule guère l’impossibilité qu’il y avait pour la Russie à continuer la lutte « en présence des vœux manifestés par l’Europe entière, en face d’une coalition qui tendait à prendre de plus grandes proportions. » Sous ce rapport, on peut présumer que le traité avec la Suède surtout a exercé une influence décisive, de sorte que si les inclinations pacifiques du gouvernement russe ont fini par se faire jour, c’est, à n’en point douter, la manifestation de la volonté européenne qui leur a fourni l’occasion de se dessiner, comme ce sont les armes de la France et de l’Angleterre qui ont préparé les conditions de la paix. La résolution de traiter une fois prise, le cabinet de Saint-Pétersbourg ne paraît pas s’être montré le moins désireux d’en finir promptement ; il est d’autant plus empressé que, comme tous les gouvernemens, si nous ne nous trompons, il a ses luttes intérieures en dépit de la toute-puissance du tsar. Il y a en présence le parti de la paix et celui de la guerre. Le gouvernement russe a donc ses raisons pour désirer une prompte solution, et les puissances alliées elles-mêmes ne sont pas moins intéressées à ne point laisser se prolonger une incertitude qui excite à la fois et tient en suspens toutes les passions comme tous les intérêts.

L’unique question aujourd’hui, c’est la réunion prochaine du congrès appelé à débattre et à résoudre tous ces problèmes qui ont mis les armes dans les mains de trois des plus grands peuples du monde. Ce n’est plus à Vienne que la diplomatie va délibérer cette fois : Paris est la ville universellement désignée, comme par un secret hommage à la civilisation, dont elle est l’expression, et à la puissance militaire, qu’elle retrouve toujours quand il lui est donné de la montrer. Les plénipotentiaires sont déjà indiqués. L’Angleterre serait représentée par lord Clarendon et lord Cowley, l’Autriche par M. de Buol et M. de Hiibner, la Russie par le comte Orlof