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des villes toutes les races moyennes et petites, agissant souvent alors dans un sens contraire à l’intérêt agricole, notamment en ce qui touche les petites races bretonnes de l’espèce bovine, et surtout dans les localités où les maigres pâturages ne permettaient pas d’entretenir avec profit les animaux des grandes races. On devait bien se garder d’introduire dans Paris les petits animaux de boucherie, car leur poids étant seulement la moitié, le tiers, le quart du poids des grands animaux, le droit se fût trouvé double, triple ou quadruple pour une même quantité pondérable des produits de l’abattage.

On ne saurait assurer cependant que les plus sages mesures, graduellement améliorées en vue d’offrir à tous les intérêts respectables les plus sûres garanties, auront toute l’efficacité possible, qu’elles amèneront par exemple des résultats aussi réguliers, aussi satisfaisans que ceux obtenus à l’aide de la réglementation de la boulangerie, et dont nous avons fait ressortir les avantages en les comparant aux résultats qui se manifestent dans certaines contrées étrangères sous le régime différent de la libre concurrence. Si le désir extrême de se soustraire à quelques embarras, ou plutôt peut-être à la réduction des bénéfices, amenait de la part du commerce de la boucherie des difficultés telles à l’exécution des mesures nouvelles qu’il fallût recourir à des dispositions d’un autre ordre, l’administration serait probablement conduite à rendre libre le commerce des viandes de boucherie. Toutefois, en supposant que cette éventualité se présentât, il n’en serait pas moins utile de sauvegarder les intérêts généraux de l’agriculture et de l’alimentation publique, et les meilleurs moyens seraient encore de rendre obligatoire l’indication des catégories et des qualités chez les débitans de viande, laissant à la concurrence entre ces derniers et à la vigilance des consommateurs le soin de régler les prix. Dans cette hypothèse même, il ne serait pas moins utile que sous le régime actuel de faire vérifier la sincérité des désignations, ainsi que l’absence d’altérations spontanées ou autres qui seraient préjudiciables aux qualités comestibles des morceaux mis en vente.

Sans doute, lorsqu’une industrie, parvenue à son état normal, est en mesure de livrer toutes les quantités de produits que la consommation réclame, on peut s’en fier à la libre concurrence, comme au meilleur moyen de réglementer les cours commerciaux ; mais quand cette industrie est dépassée dans son développement par les progrès de la consommation, on reconnaît bientôt que ces relations naturelles se trouvent renversées. La concurrence n’existe plus véritablement qu’entre les consommateurs ; les cours s’élèvent, et la hausse ne s’arrête qu’à la limite où peuvent atteindre les fortunes moyennes. Dès lors la plus grande partie de la population est