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dans certaines préparations est nécessaire : elle est devenue proverbiale, et l’on a coutume de l’exprimer en disant que les os font le bon bouillon. Cette opinion s’est même peu modifiée depuis la publication d’un rapport à l’Académie des Sciences rédigé par Magendie au nom d’une célèbre commission dite de la gélatine, après de longues et très concluantes recherches expérimentales[1].

On pouvait dire à la vérité que le procédé d’extraction de la gélatine des os soumis à l’examen de l’Académie, exécuté dans des appareils spéciaux à l’aide de la vapeur directement mise en contact avec la substance à traiter, différait des opérations usuelles, qu’enfin cette tradition si ancienne semblait représenter une pratique acquise et recueillie par des générations successives. Le fait me parut assez important pour être vérifié comparativement et dans les conditions les plus favorables à la préparation du bouillon d’excellente qualité[2]. Je trouvai ces conditions réunies dans un établissement très digne d’intérêt, très habilement dirigé, où la science de l’ingénieur, mise à contribution, réalise le chauffage économique et salubre à l’aide d’un seul foyer de vapeur pour toutes les opérations culinaires qui fournissent chaque jour au centre de Paris les repas de quatre et même six mille personnes[3]. Là précisément l’opération principale a pour but et pour résultat la préparation du bouillon de bœuf, Grâce à l’obligeance parfaite du chef de ce restaurant spécial, deux séries d’expériences comparatives furent très facilement exécutées.

Dans la première série, deux marmites à double enveloppe, chauffées par la vapeur, que des robinets permettent de modérer à volonté, reçurent l’une la viande désossée, l’autre des os du même bœuf en proportion équivalente, sans autre addition que les quantités ordinaires d’eau et de sel. Après une ébullition prolongée durant cinq heures, et si bien modérée que la température était entretenue à 100 degrés presque sans déperdition, on examina les produits. Le liquide obtenu de la viande désossée était d’une limpidité parfaite, d’une nuance légèrement ambrée ; il offrait cet arôme délicat et cette

  1. Cette commission était composée de MM. Magendie, Thénard, Chevreul, Dumas et Darcet.
  2. On trouve des notions très précises sur les conditions favorables à la confection du bouillon dans un rapport sur la Compagnie hollandaise, présenté à l’Académie des Sciences par M. Chevreul et inséré dans les mémoires de la Société centrale d’agriculture.
  3. Les générateurs, machines et appareils, installés dans les caves, envoient continuellement ou à volonté la vapeur pour le chauffage, ou bien l’eau de Seltz distribuée aux nombreux consommateurs. Toutes les dispositions ont été prises et les constructions exécutées sur les dessins de M. Touaillon, inventeur de plusieurs machines utiles, et qui vient de recevoir une médaille de première classe dans le grand concours de l’exposition universelle. L’établissement est dirigé par le fondateur même, M. Duval.