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de date et qui ne vieillit jamais. La Minerve est une aime que retournent déjà contre les savans ceux qui font passer avant la science le goût de leur temps. La beauté manifeste pouvait seule leur ouvrir violemment un horizon inconnu, car c’est par les sens et non par l’esprit qu’ils se transportent au point de vue du passé. La générosité de M. de Luynes sera citée dans l’histoire de l’archéologie au XIXe siècle ; j’espérais que la statue elle-même serait mémorable dans l’histoire de l’art par l’influence qu’elle aurait exercée. Or, en matière d’art, l’influence d’une idée n’est réelle qu’autant qu’elle se traduit dans la pratique : on ne loue pas seulement un vrai modèle, on l’imite.

J’espérais que M. Simart aurait des imitateurs, je veux garder cet espoir ; M. Simart lui-même trouvera l’occasion de prendre une revanche éclatante, fort de l’expérience qu’il ne devait, par une loi suprême, acquérir qu’à ses dépens. La statuaire polychrome, perdue depuis tant de siècles, mérite d’être reconquise. Ses magnificences ne sont point un jeu dispendieux ; elles ont leur application dans nos mœurs, et l’industrie moderne nous assure qu’elles ne seront point une ruine. Quand je dis que la statuaire polychrome est perdue, je me trompe : elle existe, elle n’a jamais cessé d’exister ; ses vraies traditions se sont seules perdues entre les mains mercenaires auxquelles on les abandonne. Ce serait écrire un livre que de raconter la longue décadence d’une branche de l’art que les Grecs avaient portée à sa perfection. Les sanctuaires antiques peu à peu remplis de dieux, les artistes réduits à des travaux moins glorieux, puis bientôt, à Rome, soumis au caprice des particuliers ; les bustes de marbres divers et d’albâtre que l’on a découverts en Italie ; les transformations de l’art byzantin, la révolution qu’y introduisit la secte des iconoclastes ; les métaux précieux employés par la peinture à son tour, qui habillait d’or et d’argent ses figures sacrées ; les admirables produits de la toreutique vénitienne et florentine ; le goût nouveau des maîtres de la renaissance, qui, voyant les antiques sortir du sol sans les ornemens que le sol avait consumés, ne voulaient plus que des statues monochromes ; la prédominance absolue de ce principe, qui conduit enfin la sculpture moderne au culte de la forme abstraite et à la haine de la couleur, — il faudrait parcourir à loisir toutes ces phases de l’histoire : je ne puis que les indiquer au souvenir de ceux qui ont réfléchi sur l’art. Regardons uniquement autour de nous ; ne remarquons-nous pas que la statuaire polychrome persiste malgré le mépris des sculpteurs ? Elle a été conservée par le christianisme, qui, en effaçant les superstitions païennes, a gardé tant de traditions de l’art païen.

Les chrétiens d’Orient mêlent encore aujourd’hui la peinture et