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temples peints, statues peintes, terres cuites et vases couverts de couleur, Pompéi et Herculanum, qui ne sont qu’une immense peinture, l’art de l’Egypte et de l’Asie qui précède l’art grec, l’art byzantin qui le continue, tout a été produit par les savans, mais le goût moderne ne s’est point laissé fléchir. Le public, j’entends le public d’élite, est demeuré incrédule ou railleur. Nos théories abstraites sur les trois branches de l’art nous défendent de les confondre, et l’on craint la peinture appliquée par l’architecte ou par le sculpteur. On ose railler le goût des anciens, de nos maîtres en toutes choses ; on ne peut se figurer que la forme et la couleur aient pu s’unir par une convention idéale ; on nie qu’il y ait jamais eu là un principe de beauté. Ce sont les sens, en effet, qui nous persuadent la beauté : il appartient donc au sculpteur d’éprouver les sens par un spectacle qu’ils ne connaissent point encore. Plus il est commandé aux savans d’être réservés, plus il est permis au sculpteur d’être téméraire et de séduire les esprits qu’ils n’ont pu convaincre. La Canéphore envoyée à l’exposition universelle par M. Wolff, de Berlin, n’a rien qui doive décourager. Malgré sa petite proportion, malgré la médiocrité des draperies dorées, malgré la place défavorable, je n’ai point remarqué qu’on s’y arrêtât sans plaisir. Un buste de jeune fille peint que possède le musée de Lille a même paru si beau, qu’on n’a pas craint de l’attribuer à Léonard de Vinci.

Le second parti qui s’offrait à M. Simart était moins périlleux ; n’excitant point d’orages, il promettait un succès assuré. C’était de maintenir les traditions de la sculpture monochrome et de complaire aux habitudes de notre goût. Nous voulons (ce principe est plus philosophique) que la sculpture ne s’attache qu’à la forme, qu’elle fasse complètement abstraction de la couleur, de même que le naturaliste, lorsqu’il classe son herbier, ne regarde point si les couleurs ou les parfums de ses plantes se sont évanouis. On s’accommodait du mélange de l’ivoire et de l’or par respect pour l’antiquité, qui force sur ce point toutes les croyances. On allait plus loin : l’imagination cherchait dans ce mélange une heureuse harmonie ; les teintes jaunissantes de l’ivoire devaient se marier délicieusement avec les blonds reflets de l’or. Là encore la tyrannie de nos idées trouvait à se satisfaire ; les matières différaient par leur richesse bien plutôt que par leur couleur. Aussi M. Quatremère, dans le dessin qu’il a publié de la Minerve, applique-t-il sur les chairs une teinte jaune et presque dorée. Le sculpteur ne pouvait faire ressortir de l’ivoire tous ses effets qu’en le frottant vigoureusement, en le traitant par les procédés encaustiques, en employant peut-être la cire, en demandant à l’expérience des praticiens les secours les plus énergiques.