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disposer de la moitié de son bien quand on n’a qu’un enfant, du tiers quand on en a deux, du quart quand on en a davantage, ce serait suffisant, si les mœurs étaient favorables à l’inégalité des partages. Le droit illimité ne ferait pas plus, parce qu’on n’en userait pas. Il n’y a donc rien à faire de sérieux et de pratique dans ce sens, il faut en prendre son parti. — M. Le Play oublie également que la substitution existe dans le droit français comme dans le droit anglais ; elle est permise dans l’un comme dans l’autre pour la quotité disponible jusqu’au second degré. Seulement la loi qui l’autorise est chez nous une lettre morte et en Angleterre un fait vivant ; j’ajoute que chez nos voisins elle est plutôt en décadence qu’en progrès. Outre qu’elle cesse de plein droit après une génération quand elle n’est pas renouvelée, des actes du parlement ont récemment autorisé les détenteurs de biens substitués à emprunter sur ces biens, soit à l’état, soit à des compagnies spéciales, des sommes remboursables par annuités et destinées à des travaux de drainage, des constructions, des irrigations, des plantations, des clôtures, en un mot toutes les améliorations foncières d’un effet permanent, et un comité de la chambre des lords a exprimé l’année dernière le vœu que cette autorisation fût étendue pour d’autres prêteurs que les compagnies. Or permettre d’emprunter par hypothèque, c’est jusqu’à un certain point permettre d’aliéner : le principe de la substitution est atteint, et par des actes officiels ; il me serait facile de montrer en même temps la substitution plus sérieusement attaquée dans les écrits des hommes les plus compétens et dans les journaux les plus accrédités.

Est-ce à dire que tout soit pour le mieux et qu’il n’y ait absolument rien à faire pour améliorer la loi française ? Je ne le pense pas ; mais il faut commencer par débarrasser la question de toute considération contraire au principe d’égalité : en passionnant inutilement le débat, on le rend insoluble, voilà tout ce qu’on obtient. Je suis très frappé des inconvéniens du partage forcé pour la petite et la moyenne propriété ; je crois que cette secousse périodique contribue beaucoup au malaise général qu’elles éprouvent, aux dettes qui les grèvent, aux ventes forcées qu’elles subissent. J’attribue la plupart de ces souffrances à l’article 826 du code, qui permet à chacun des héritiers de demander sa part en nature des meubles et immeubles de la succession. J’aimerais mieux qu’on donnât aux garçons un droit de préférence sur les immeubles, et qu’on n’en autorisât le partage qu’autant que celui des meubles ne suffirait pas, les droits des filles sur les immeubles constituant sans contredit un des plus grands embarras de la propriété française. Je voudrais que l’un des cohéritiers pût se charger d’un immeuble excédant sa part, pour éviter les licitations, en payant aux autres 3 pour 100 d’intérêt et 2 pour 100 d’amortissement, avec faculté de remboursement à volonté,