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privée, en partie dans le système de la communauté. Chaque famille possède par droit d’héritage le terrain qui lui est attribué ; celle dont il est question a pour sa part ce qu’on appelle un quart de sessio ou de concession ; l’unité dite sessio équivaut à 10 hectares 36 ares. D’autres possèdent deux sessio, une sessio, une demi-sessio. D’autres sont dits inquilini, et possèdent une maison sans terre arable ; d’autres enfin, subinquilini et tiennent à loyer la maison qu’ils habitent. Celle de la monographie doit au seigneur vingt-six journées de travail ou corvées, réduites à treize quand le paysan travaille avec ses bœufs ; elle se procure le surplus de terre qui lui est nécessaire en le louant au seigneur. La nourriture de ces paysans est, quant à l’abondance et à la qualité, la meilleure que M. Le Play ait observée parmi les ouvriers européens ; ils ne font point d’épargnes.

Les quatre autres monographies autrichiennes sont moins favorables. Une surtout, qui est relative à un compagnon de la corporation fermée (Innung) des ouvriers de la ville de Vienne, présente une situation tout à fait voisine de l’indigence. Il est vrai que l’ouvrier dont il s’agit a cinq enfans ; l’aisance est partout peu conciliable avec une si nombreuse famille. Toujours est-il que le système des corporations fermées, tel qu’il existe encore à Vienne et qu’il existait autrefois en France, ne défend pas de la misère les ouvriers qui en font partie. L’auteur insiste à ce sujet sur les causes qui menacent d’une dissolution prochaine les anciennes corporations d’arts et métiers partout où elles ont survécu. Ces causes sont précisément les mêmes qu’en France et en Angleterre ; elles tiennent à l’établissement des grandes manufactures, qui tendent partout à se substituer aux petits ateliers, par suite des découvertes modernes. Cette révolution est devenue inévitable dans les contrées où, comme en Autriche, on a conservé jusqu’ici le principe des maîtrises. À propos d’une autre famille, celle d’un mineur de la corporation des mines de mercure de la Carniole, qui n’est pas beaucoup plus heureuse, M. Le Play fait la même observation.

À mesure qu’on avance dans cette lecture, on s’attend, d’après le début, à voir l’existence des ouvriers de l’Occident peinte des plus sombres couleurs en comparaison de ceux de l’Orient ; on est agréablement surpris en trouvant le contraire. Il est vrai que l’auteur paraît attribuer quelquefois le bien-être dont ils jouissent pour la plupart à des coutumes particulières qui ont quelques analogies avec les institutions orientales. Ainsi, quand il s’agit des mineurs du Hartz, il fait connaître toute une organisation métallurgique et forestière qui a pour but de prévenir les effets de la concurrence. Il y a du vrai dans ses observations, notamment en ce qui concerne l’excellent régime des forêts domaniales en Allemagne, mais lui-même