l’organisation de la commune russe, ainsi que les deux systèmes de redevance, la corvée et l’obrok ; M. Le Play dit abrok, mais tous ceux qui ont écrit sur la Russie, y compris M. Tegoborski, disent obrok. L’obrok donc est une capitation que le paysan russe paie à son seigneur pour se racheter de la corvée ; la corvée est un certain nombre de jours de travail dus au seigneur sur ses propres terres pour payer le loyer de celles qu’il abandonne. L’obrok est évidemment un progrès sur la corvée, soit dans l’intérêt du propriétaire, soit dans celui du tenancier ; mais il n’est pas toujours possible, surtout dans les contrées exclusivement agricoles où la transformation des denrées en argent est difficile. dans les deux cas, la famille est garantie, dit M. Le Play, contre la vieillesse et les maladies par les secours qu’elle reçoit du maître, et l’indigence est inconnue. Je crois cependant avoir entendu dire que les serfs se révoltent quelquefois contre ces seigneurs si compatissans et les font rôtir, mais passons.
Le sujet turc qui succède aux paysans russes est un forgeron bulgare des usines à fer de Samakotva, Turquie centrale. Encore le système des engagemens forcés avec ses heureuses conséquences. Les riches pachas turcs qui possèdent les forges de la Bulgarie, n’employant que des moyens imparfaits de fabrication, ne peuvent soutenir la concurrence des fers étrangers que par le bas prix des bois et de la main-d’œuvre. La population de Samakowa se compose d’ouvriers forgerons, qui concourent aussi en été aux travaux agricoles. En principe, les ouvriers sont attachés aux chefs d’industrie volontairement et pour un temps limité ; en fait, ce sont des engagés à vie. Ils sont tous liés au patron par une dette héréditaire, aucun d’eux ne peut s’attacher à un autre sans l’avoir remboursé. D’excellentes relations existent encore, selon M. Le Play, entre les deux classes. Les ouvriers, satisfaits de leur sort, n’ont pas le désir de s’élever à une condition supérieure ; chacun d’eux possède une maison d’habitation avec un petit jardin et une vache. La nourriture est médiocre, mais suffisante ; le travail n’a rien d’excessif. Le patron vient au secours de la famille, quand elle en a besoin. S’il en est ainsi, j’ai peine à comprendre les griefs des chrétiens d’Orient contre les Turcs ; j’ai peur qu’il n’y ait encore là quelque revers de médaille qu’on n’ait pas voulu voir.
Les deux familles suédoise et norvégienne nous font faire un pas vers la liberté ; elles n’en paraissent pas plus à plaindre. Elles ne consomment, en fait de céréales, que du seigle et de l’orge, mais en quantité suffisante ; elles ont de plus des corps gras, de la viande, du gibier, du poisson, et surtout du lait en abondance. Leur condition morale est très supérieure à celle des paysans russes, et l’étude de ces ouvriers, dit M. Le Play lui-même, offre un grand intérêt, en ce qu’elle présente la transition du système des engagemens forcés de