le système adopté par les congrégations pour administrer les églises chinoises et pour propager, en dépit de tant d’obstacles, la religion chrétienne. À en juger par le mémoire du père Broullion, les jésuites ont dès l’origine solidement établi les fondemens de leur nouvelle mission. On est tout surpris de voir, en si peu de temps, des séminaires, des collèges, des écoles créés par eux dans le Kiang-nan, et formant, pour l’avenir, des prêtres indigènes, des catéchistes et des élèves qui, disséminés dans les rangs épais de la vieille société chinoise, y creuseront un jour à la civilisation comme aux croyances occidentales de larges sillons. Sans doute les jésuites des derniers siècles avaient laissé des traditions précieuses dont le souvenir n’était pas complètement effacé. Ils avaient fondé, sous les noms de confréries, de conférences, de congrégations, plusieurs associations indigènes, où leur influence avait résisté aux persécutions, et les nouveaux missionnaires pouvaient espérer de se voir accueillis, dès leur arrivée, par quelques pieuses familles de catéchistes, qui conservaient fidèlement le dépôt des idées chrétiennes ; mais ces familles, isolées, éloignées les unes des autres, condamnées à dissimuler leur croyance à tous les yeux, ne devaient être que d’un bien faible secours pour la reprise des prédications. Les difficultés étaient immenses pour arriver jusqu’à elles, et l’instinct même de la foi devinait à peine ces rares foyers sous la cendre qui les couvrait. Il s’agissait donc d’entreprendre réellement une œuvre nouvelle. La province du Kiang-nan est presque aussi grande que la France ; elle compte 50 millions d’habitans. La compagnie de Jésus n’a point calculé le nombre de ces infidèles, et elle s’est mise résolument en campagne.
Ce fut dans le village de Zi-ka-wei, voisin de Shanghai, qu’elle établit son quartier-général. De ce point, ses missionnaires rayonnèrent dans le diocèse, partagé en circonscriptions ou districts apostoliques. Chaque prêtre visite au moins une fois par an les chrétientés de son district, et c’est alors jour de fête pour les modestes bâtimens {kum-sou) qui sont consacrés aux prières de la communauté. « Les kum-sou, dit le père Broullion, sont de larges granges, bâties au fond d’un carré de maisons chrétiennes, dont un espace vide les sépare ; masquée par cette enceinte d’habitations, la chapelle échappe aux regards malveillans, qui n’y découvrent rien qu’on ne voie également dans les autres fermes du pays. En certains lieux, quand les aumônes recueillies parmi les pauvres membres de la communauté permettent d’accorder un peu de luxe à la piété, un vestibule vous introduit dans la cour, et des galeries couvertes, à droite et à gauche, vous mènent jusqu’aux longues portes qui forment toute la façade mobile de l’église. Les colonnes sont d’une seule pièce, les ornemens en bois sculpté ou verni, les poutres et chevrons peints,