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sert des lumières de la science que pour les transformer en vue du gouvernement. L’action politique était évidemment la destination de M. Léon Faucher. Il en avait les qualités, — la décision, la vigueur, le caractère, — de même qu’il avait les qualités de l’observateur des faits économiques. Son originalité consistait dans un mélange de sagacité, de sens pratique, de netteté tranchante et incisive. Ainsi il se montre dans les Études sur l’Angleterre, aussi bien que dans les Mélanges d’économie politique et de finances, qui ont trait particulièrement à la France. Les sujets n’indiquent-ils pas les penchans de l’esprit ?

L’Angleterre est l’éternel attrait des esprits politiques. Ce qui attire en elle, ce n’est pas seulement sa puissance, le savant équilibre de ses institutions : c’est surtout peut-être le caractère à demi mystérieux de cette société où vivent tous les contrastes, où à côté de tant de grandeurs se retrouvent tant de faiblesses, de lacunes et d’incohérences. Voici un peuple, en effet, dont l’existence semble une contradiction permanente. Il ne reculera devant aucune nouveauté, devant aucun progrès, et il continue à se gouverner par des lois et des coutumes qui datent de Guillaume le Conquérant ou de Henri Ier ; il a le goût le plus entier de la liberté, et ses mœurs sont intolérantes. Nul ne pousse plus loin le respect de l’individu, et il maintient dans ses codes des peines corporelles avilissantes. Il a dépensé 500 millions pour affranchir les noirs, et il traitera au besoin les blancs comme des esclaves. Enfin, si nulle part il n’y a plus d’opulence aristocratique, nulle part aussi la misère n’est plus affreuse tout à côté, ainsi que le montre l’auteur des Études sur l’Angleterre dans ses vigoureuses descriptions des villes manufacturières. Cette société est donc un chaos, mais dans ce chaos règne l’activité. L’esprit d’innovation est tempéré par le culte des traditions et le sentiment énergique de la réalité. Les révolutions n’éclatent pas parce que les réformes s’accomplissent, et l’aristocratie, âme et tête de cette étrange nation, reste au gouvernail, conduisant le navire. Depuis que M. Léon Faucher écrivait, les circonstances ont quelque peu changé ; par une coïncidence inattendue, la guerre actuelle a créé peut-être un péril intérieur pour l’Angleterre, en mettant à nu les lacunes de son état social. L’Angleterre fera ce qu’elle a toujours fait, elle réformera ce qu’elle ne peut plus maintenir, elle n’abdiquera pas le principe de sa force.

Certes, il n’est point de tableau plus opposé à celui de l’Angleterre que le tableau de la France pendant la dernière révolution. C’est la ce que remettent encore sous les yeux les Mélanges d’économie politique et de finances de M. Faucher. Ici, on peut le dire, chaque étude, chaque essai est un acte politique. Tous ces articles recueillis aujourd’hui et liés par une pensée commune sont autant de fragmens d’histoire, depuis les pages que l’auteur écrivait ici même au mois d’avril 1848, pour lever la bannière contre le socialisme du Luxembourg, jusqu’à l’étude sur les Finances de la guerre. Adversaire du socialisme, M. Léon Faucher ne l’était pas seulement comme conservateur, il l’était aussi comme libéral, et c’est la double inspiration qui se reflète dans les discours et les articles dont se composent ces Mélanges. M. Léon Faucher disait un jour un mot profond ; il disait qu’il ne craignait pas le socialisme avoué, marchant ouvertement à son but, qu’il redoutait