méridionale : « Pour entrer sur le territoire ottoman, disait ce général, pour nous emparer de Constantinople et des Dardanelles, nous avons sur toutes les autres puissances l’avantage de la proximité. Notre flotte de Sébastopol peut conduire en trois jours au Bosphore assez de troupes pour occuper Constantinople et les Dardanelles, et, étant maîtres du passage du Danube par la possession de Silistrie, nous pouvons porter en peu de temps une armée nombreuse dans la Bulgarie et au-delà des Balkans. Le point principal à occuper dans l’hypothèse où des événemens obligeraient l’empereur à intervenir de nouveau en Turquie est le détroit des Dardanelles. Aussi est-ce sur ce point que se dirigeraient d’abord nos troupes embarquées à Sébastopol, et dès qu’elles y seraient, on ne les en délogerait pas facilement. » C’était en effet dans ce sens qu’étaient combinés deux plans adoptés peu après dans un conseil de guerre tenu par l’empereur Nicolas et plusieurs de ses généraux. La flotte était toujours le pivot principal des opérations, le moyen de gagner de vitesse les flottes anglo-françaises aux Dardanelles. Sans remonter si haut, ceux qui ont pu juger de l’état des choses à Constantinople, au moment où le prince Menchikof s’y présentait avec tant d’éclat, savent qu’il n’a manqué à la Russie que plus de netteté dans les vues et plus d’énergie pour exécuter l’un des plans étudiés en 1836. C’est là le danger jusqu’ici permanent, et dont la neutralisation de la Mer-Noire préviendrait radicalement le retour en même temps que l’absence de toute force militaire navale diminuerait pour la Russie les moyens d’agression par terre vis-à-vis de l’empire ottoman. Cette mesure apparaît comme la sanction matérielle de toutes les autres garanties morales que l’Europe revendique.
Ainsi donc se présentent dans leur ensemble ces propositions, où il y a nécessairement quelques points importans, et d’autres qui le sont à un moindre degré.
Le cabinet de Pétersbourg n’a point répondu directement au comte Esterhazy. Il a envoyé sa réponse au ministre du tsar à Vienne, au prince Gortchakof, chargé sans doute de la communiquer au gouvernement de l’empereur François-Joseph. Est-ce le signe d’un refus de la part de la Russie ? est-ce l’indice d’une acceptation ? Il est probable que la vérité est entre ces deux hypothèses, et que la Russie a répondu à son tour par d’autres propositions. Or il y a ici un fait à considérer pour apprécier exactement les probabilités ou les possibilités de la paix s c’est le caractère même de la communication qui a été transmise à Saint-Pétersbourg, et qui a évidemment toute la portée d’une communication sérieuse déterminant des bases de négociation auxquelles la Russie n’est point libre de substituer des projets différens. Il est possible que sur certains points les puissances ne soient pas portées à maintenir la rigueur d’un dernier mot. Il en est sur lesquels elles ne transigeront pas et n’admettront pas de modification essentielle, de telle sorte qu’une demi-acceptation équivaudrait presque à un refus, ou que du moins les conditions de la Russie n’auraient quelques chances que si, en les rapprochant de celles des puissances alliées, il suffisait en quelque sorte d’un trait d’union pour faire de ces propositions diverses un traité de paix. Le cabinet de Saint-Pétersbourg a paru disposé à accepter le principe de la neutralisation de la Mer-Noire ; pourquoi ne souscrirait-il pas aux consé-