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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 janvier 1856.

Les affaires du monde ne marchent point évidemment avec la netteté et la promptitude que l’impatience de l’esprit public se croit parfois en droit d’exiger. Lorsqu’une tentative sérieuse se produit pour mettre fin à un conflit aussi redoutable que celui qui est devenu l’objet de toutes les perplexités de l’Europe, il semble qu’on ne puisse plus attendre dans le calme le résultat espéré ou redouté. Un jour, on croit presque à la paix sans autre motif que la bonne intention de la voir renaître ; le lendemain, toutes les chances sont évanouies. Le silence des cabinets est commenté comme leur langage ; chacun de leurs actes et de leurs mouvemens est interprété. Pour une certaine opinion, pour l’opinion des grands centres politiques, c’est une succession très variée d’émotions de circonstance que la masse de la nation française ne partage pas, nous en sommes persuadés, pas plus que le peuple anglais. Si on va au fond de la pensée des deux pays, l’un et l’autre désirent la paix sans nul doute, l’un et l’autre adhèrent intérieurement à tout ce qui peut la rendre possible avec honneur et sûreté, comme aussi l’un et l’autre envisagent d’un œil ferme l’obligation de porter encore le noble et héroïque poids de cette lutte terrible, si la résistance obstinée de la Russie à toute pacification équitable ne leur laisse point d’autre alternative. En dehors des bruits et des commentaires souvent contradictoires qui se succèdent, le fait est que les trois peuples sont aujourd’hui en présence, la main sur leur épée, si l’on peut ainsi parler, s’interrogeant par l’organe de leurs gouvernemens, entre lesquels l’Autriche sert d’intermédiaire, pour savoir si la paix peut enfin se conclure, s’il est dans la volonté de tous d’y adhérer sérieusement, ou si la guerre doit continuer, et en continuant redoubler de gravité et d’énergie, ne fût-ce que par le déplacement et l’extension des hostilités. C’est un moment critique, personne ne peut s’y tromper. La résolution qui va être prise peut réagir singulièrement sur